lesRuffes, en mangent dans le Printemps, lorfqu’elle eft encore
verte, & la mordent fans la toucher avec les levres. Je fus témoin de
ce qui arriva à quelqu’un, qui, voyant les autres manger de cette
herbe verte, en voulut goûter auifi, fans prendre la précaution de
tirerlecorceavec fes dents. Auffi-tôt fes levres s’enflerent Si furent
couvertes de puftules, ainii que fon menton, fon nez & fes joues
auxquels l'herbe avoit touché : les puftules ne furent pas long-temps
à crever, mais l’enflure Sc les croûtes ne fe diflîperent qu’au bout
d’une femaine. Voici de quelle maniéré on en tire de l’eau-de-vie.
Us en mettent d’abord quelques bottes ou gros paquets dans l’eau
chaude, qu’ils font fermenter dans un petit vafe avec des baies de
Gimoloft (i) ou de Golubitfa(z). On couvre & l’on bouche bien ce
vaiifeau, & on le met dans un endroit chaud où on le tient juiqu’à
ce que cette liqueur celfe de fermenter ; car lorfqu’elle s’aigrit, elle
fermente & bout avec tant de force Sc de bruit, que l’on appçrçoit
l’agitation du vafe. Ils font enfuite une autre liqueur qu’ils appellent
Braga, de la même façon que la première : on n’y met de l’eau
qu’autant qu’il en faut pour que l’herbe trempe , & l’on verfe fur
cette eau la première liqueur fermencée appellée Prigolovok, Le
Braga fe fait ordinairement en vingt-quatre heures, & l’on recon-
noît qu’il a fermenté de la même maniéré que le premier , lorf-
qu’il celfe de bouillir. On met dans une chaudière les herbes avec
toute la liqueur deftinée pour tirer l’eau-de-vie : on la couvre avec un
couvercle de bois dans lequel on fait palfer au lieu d’un tuyau, un
canon de fufil. La première liqueur qui en fort eft aufii forte que
l’eau-de-vie commune. Si on la diftilloit une fécondé fois , elle de-
viendroit fî forte-, qu’elle pourroic corroder le fer ; mais il n’y- a que
(i) Lonicerapeduneuüs biflorU ^fiçribus infuniibili fqm ùbusbacca folitaria , oblon^a-^
iingulofiz. Gmel. fib.
- ÎP tyirtillus grandis çcerulçujç.
l e s gens riches qui falfent ufage d’eau-de-vie, le Peuple n acheté que
d e cette liqueur, qui n’a été diftillée qu’une fois, & qu’on appelle
Jiaka ; cependant elle n eft inférieure à aucune eau-dè-vie.
De deux poudes de ces plantes, on tire ordinairement un Ve-
dro (i) de Raka,ou première eau-de vie, Sc chaque poude coûte
quatre roubles, & même au-delà.
L’herbe,ou lé caputmortuum quirefte dans la chaudière, après
qu’on en a tiré l’efprit, fert ordinairement, au-lieu de baies, à faire
fermenter la première liqueur, parce quelle eft allez acide. Au refte
ce qu’on jette fe donne au bétail ; il le mange avec beaucoup d’avidité
, & cela fert à l’engrailfer.
L’eau-de-vie tirée de cette plante lorfque l’éçorce n en a pas été radiée
, caufe de très fortes oppreffions de coeur.
Suivant la remarque de M. Sceller, cette eau-de-vie eft i°. fort
pénétrante ; elle contient un efprit très acide, & par conféquentr
elle eftpernicieufe à la fanté, puifqu’elle coagule lé fang.
ip. Elle enivre facilement, & ceux qui en boivent avec excès ,
relient privés de tout fentiment, & leur vifage devient tout bleu.
3 o. Quand même quelqu’un en boiroit en petite quantité, il eft:
tourmenté pendant la nuit de longes effrayants, Sc le lendemain il
lelfent des inquiétudes & des agitations auffi. grandes que s’il avoit-
commis quelque crime. Ce qu’il a remarqué encore, ceft que des-
gens dont l’ivreffe caufée par cette eau-devie , paroiflbit d’abord
setfe ailBpée en buvant un verre d’eau froide , retomboient bientôt
après dans une fi grande ivreffe, qu’ils ne pouvoient fe tenir
debout.s
Cette plante a la vertu de faire mourir la vermine. Les Kamc-
chîdalsn ont d-’autres moyens-que d’humeéter leurs cheveux avec le;
f1) Le Vedco; contient: ieize pintes, oit huit. fiacEes-t chèque flèche- contient deux
“«ttdllêsi.