D e s c r i p t i o n
chaude , enflammée, fort de plufieurs endroits avec beaucôup
d’impétuofité & avec un bruit femblable à celui de 1 eau qui bout
fur le feu. J’y fis creufer dans l’efpérance qu’on pourroit pénétrer
jufqu’à l'eau; mai?comme on ne trouva quune demi-archine 4g
qerre molle & légère fous laquelle étoit un lit de roc, je ne pus
exécuter mon delfein ; au refte , on ne peut douter que l’eau ne
fe faife jour tôt ou tard. Cet endroit eft probablement la fource de
çe ruilfeau qui va fe jetter dans l’Oçéan ; car ces fources fortent des
crevaifes des montagnes, & cette plaine eft précifément en face
de la fource même de ce ruilfeau. On doit porter Je même jugement
des dernieres fources qui coulent dans la riviere Chemetch
du côté de fa rive gauche en defcendant fon cours , puifque ces
fources fe trouvent au bas même de cette montagne du côté du
couchant dans un vallon très profond & environné de hautes mon.
tagnes , d’où l’on voit aulïi fortir de la fumée en plufieurs endroits,
Ce vallon eft rempli d’une quantité prodigieufe de fources bouillantes,
qui enfuite fe réuniifent & nç forment plus qu’un fetiLruif,
feau,
Il y a deux grands gouffres qui méritent particulièrement d’être
remarqués. L ’un a cinq fagenes , 8c l’autre trois de diametre. L?
profondeur du premier eft d’une fagene & demie, & celle dufecpnd
d’une fagene. On y voit l’eau bouillir à gros bouillons comme dans
de très grandes chaudières, & avec tant de bruit,qu’il n’eft pas pol-
fible de s’entendre, lors même qu’on parle très haut. Il enfoit une
vapeur fi épaiife , qu’on ne peut voir un homme à fe diftance de
fept fagenes. On ne peut entendre le bouillonnement de lean
qu’en fe couchant par terre. Il n’y a que trois fagenes de diftance
entre jes deux gouffres, & ce rerrein eft comme un marais motivant
; deforte que ceux qui y vont, doivent toujours craindre dy
enfoncer.
Çes fourceç différent de toutes les autres, eq je qu’on voit (vt
h
la furface de leurs eaux une matière noire pareille à l’encre de la.
Chine , elle ne fe détache qu’avec peine des mains, lorfqu’elÎes en
en font empreintes. D ’ailleurs on trouve dans cet endroit une terre
glaife de différentes couleurs , de même nature que celle de toutes les
autres fontaines bouillantes : il y a aufti de 1a chaux, de l’alun & du
foufre.
L’eau de toutes les fontaines dont nous venons de parler, eft
épaiife & fent l’oeuf couvé.
Les Kamtchadals regardent toutes ces fources d’eau chaude;
auifi-bien que les Volcans, comme la demeure des démons, & craignent
de s’en approcher ; mais ilsredoutent davantage les Volcans.1
Ils n indiquent même pas aux Ruifes les fources d’eau chaude, dans
la crainte d’être obligés de les accompagner. Ce fut au hafard que
je dus la connoiffance de ces fources. J’étois déjà éloigné de cent
werfts du lieu où elles font, lorfqu’ils m’en parlerènt. Je revins fur
mes pas pour faire la defcriprion d’une choie aufli digne d’attention,
J ordonnai aux Habitants du petit Oitrog de Chemiatchin de me déclarer
la véritable raifon pour laquelle ils ne me les avoient pas montrées
, & ce fut avec la plus grande répugnance qu’on les obligea
de m’y accompagner : ils ne s’en approchèrent pas. Lorfqu’ils
nous apperçurent entrer dans ces fources, boire de l’eau & manger
la viande que nous y avions fait cuire ; ils s’imaginèrent'que nous
allions périr fur-le-çhamp : mais lorfque nous fumes revenus fans
aucunaccidenc avec eux, ils coururent raconter dans leurs habitations
1 excès de notre témérité ; & ils ne pouvoient revenir de leur
ferprife, ni s’imaginer quels hommes extraordinaires nous étions ,
puifque les démons ne pouvoient nous faire du mal,
Une chofe qui mérite d’être remarquée, e’eft qu’il ne fe trouve
aucune fource d’eau bouillante depuis l’embouchure de la riviere du
Kamtchatka au Nord, non-plus que depuis celle de la riviere
Oçernaia , le long de toute fa rive occidentale, quoiqu’on y ren-
Tome II. Y y