tés au point qu’ils jouoient jufqu a leurs habits, Si qu ilss en alloienç
quelquefois prefque nuds. On ne iauroit fe repréfenter combien
ces malheureux efclaves avoient a fouifrir. Il arrivoit fouvent qu ils
changeoient de maître vingt fois par jour.
Quant à la découverte de l’eau-de-vie , voici de quelle maniéré
les Gofaques de Bolchéretskoi trouvèrent les moyens de la
diftiller. Ils avoient coutume de faire provifion pour l’Hiver de
baies de diverfes efpeces, comme on l’a déjà dit. Il arrivoit quelquefois
quelles fermentoient Si s’aigrilfoient dans le Printemps,. de
forte qu’on ne pouvoir les employer à aucun autre ufagequ’à faire
une efpece de boiifon qu’on appelle Kwas. Cependant quelques-uns
d’eux ayant bu de cette liqueur fermentée, pure & fans aucun mélangé
, s’apperçurent quelle les enivroit ; ils préparèrent donc des
alambics Si la diftillerent. Cette expérience eut toute la réuifite qu’ils
en attendoient. Depuis ce temps il y a toujours abondamment de
leau-de-vie au Kamtchatka, & fur-tout depuis qu’ils#ont découvert
qu’ils pouvoient en tirer aufli de l’Herbe douce.
Lorfque les baies leur manquoient pour faire de l’eau-de-vie, ils
faifoient tremper de l’Herbe douce dans l’eau, & la mêloient eniuite
dans une décoétion d’amandes de Cèdre pi-lées. Us laiflbient fermenter
le tout, Si buvoient enfuite cette boiifon au-lieu d’Hy-
dromel; mais s’étant apperçus qu’elle leur portoit a la tête , ils ne
tardèrent pas à la diftiller. D ’abord ils firent fermenter l’Herbe
douce daus une décoétion d’herbe Kiprei qu’ils diftillerent ; mais
voyant que cela ne leur réuflïflbit pas, ils mirent l’herbe même
dans des chaudières, ce qui produifit les effets qu’ils en attendoient.
Comme il étoit plus difpendieux de faire tremper l’Herbe douce
dans une décoûion de Kiprei, ils eifayerent de tirer de l’eau-
de-vie de l'Herbe douce feule, Si cela ne leur réulfit pas moins.
Cette derniere méthode, qui eft la moins coûteufe, eft encore aujourd’hui
en ufage au Kamtchatka. J'ai déjà dit dans la fécondé
Partie de cet Ouvrage, de quelle maniéré on prépare l’Herbe douce ;
il me refte à faire mention ici comment ils diftillent l’eau-de-vie de
cette Plante.
Lorfqu’elle eft féche ils la mettent par couches, fur lefquelles ils
verfent aifez d’eau pour qu’elle en foit couverte & qu’elle trempe
bien. Us y mettent des baies de Jimoloft ( i ) ou de Pianitfa ( i ) ;
ils ferment ce vafe en l’enduifant de terre glaife ou de pâte , Si le
placent dans un endroit où il fait chaud ; c’eft-là ce qu’ils appellent
le Prigolowok : il s’aigrit & fermente avec beaucoup de bruit. On
reconnoît qu’il eft parvenu à fon degré de perfeétion, lorfqu’il ceffe
de faire du bruit : alors ils mettent tremper deux ou trois poudes
d’Herbe douce dans des baquets , Si les font fermenter avec ce Prigo-
lowok : ils y procèdent de la même maniéré qu’on l’a déjà dit. Ces
deux liqueurs fermentées s’appellent Braga. Quand cette derniere
a ceffé de fermenter & qu’elle ne bout plus, ils la verfent dans une
chaudierede cuivre ou de fer : ils la couvrent d’un couvercle de bois,
dans lequel ils font palier un tuyau qui eft ordinairement un canon
de fufil. La liqueur qu’ils en tirent, connu fous le nom de Raka, eft
auffi forte que la meilleure eau-de-vie , Si ils en boivent fans qu il
foit befoin de la diftiller une fécondé fois ; car alors elle deviendroit
comme de l’eau forte , & en auroit la vertu. Ils font aulfi le Braga
fans Prigolowok, en le mettant feulement fermenter avec de l’eau
dans laquelle on a fait tremper l’herbe qui eft reftee dans la chaudière
après la diftillation. De deux poudes & demi ou trois poudes
d’herbe , on tire environ un wedro , qui fe vend au profit de la
Couronne vingt roubles.
Comme plufieurs perfonnes qui ne eonnoiflent point ce Pays,
feront curiéufes de favoir de quelle maniéré les Cofaques s y font
(i) Lonicerapedunculis bifioris j &ç%
(i) Mirtillusgrandis.
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