ions inconnus dans les autres ; mais comme les naturels du Pays n’en
font point ufage pour leur fubfiftance, Se ne les connoiffent même
pas ; je ne crois point devoir en parler ic i, mon deffein n’étant que
de faire connoître quels font ceux qui fervent à la nourriture de ces
Peuples j & qui leur tiennent lieu de grain.
Des Saumons.
Le principal poiflbn & celui que les Kamtehadals ont fur-tout en
abondance, eft le Saumon. Il y en a de différentes efpeces. Pendant
l’Eté, ils remontent en foule les rivieres. C ’eft avec ces Poiffons
qu’ils font leur mets appellé loukola , qui leur tient lieu de pain.
C ’eft aufli de cePoiffon qu’ils font leur Porja ( i ) , dont ils fe fervent
pour faire des pâtés, des beignets, des crêpes & des gâteaux.
Ils tirent la graiffe de ce poiflbn, la font cuire, & s’en fervent au-
lieu de beurre : ils en font aufli de la colle pour leurs befoins domef-
tiques , & pour quelques autres ufages.
Mais avant que de parler de chacun de ces poiffons à part, & de
dire quelle eft leur grandeur , leur forme, le goût de leur chair, &
dans quel temps ils remontent les rivieres, nous ferons quelquesob-
fervations en général fur la pêche. On y verra une preuve éclatante
de la fagefle & de la providence de l’Etre fuprême, qui a pourvu-
d’une maniere aufli admirable à ce qui étoit néceffaire aux Habitants
de ces contrées qui ne produifent point de grains , & qui
n’ont ni bétails, ni poiffons de rivieres : ainfi tout le Kamtchatka
ne tire fa fubiiftance que de ces poifloris, les rivieres & les lacs, dix
Pays n en fourniffant point comme ailleurs.
Tous les poiffons au Kamtchatka remontent les rivieres en û
grande foule dans l’E té, qu’elles s’enflent & fe débordent jufqu’au
(i ) On fait lécher le poiflôn, on le pile enfulte jufcpi’à ce cpi'il foie réduit en une ef
pece de farine j c’eft ce qu’on appelle Porfa. On en fait dans toute la Sibérie.
foir que les poiffons ceffent d’entrer dans l’embouchùre des rivieres.
Lorfque l’eau fe retire, il en refte fur le rivage une li grande quantité
de morts, qu’aucun des plus grands fleuves n’en pourrait fournir
autant; ce qui dans la fuite caufe une infeétion & une puanteur
fi grande, que la pefte senfuivroit infailliblement, fi ce mal n’étoit
détourné par les vents continuels qui régnent alors & qui purifient
l’air. Si l’on donne au hafard un coup de harpon dans l’eau, il eft
rare qu’on ne frappe quelque poiffon.
Les Ours & les Chiens prennent alors plus de poiffons avec leurs
pattes, qu’on n’en pêche ailleurs avec des filets , & c’eft pour cette
taifon qu’on ne fait point ufage de cimes au Kamtchatka, mais de
fimples filets, par la difficulté qu’il y aurait de les retirer de l’eau, à
caufe de la quantité prodigieufe de poiffons qui s’y trouveraient ;
car quelque fortes & quelque groffes qu’en fuffent les mailles, elles
fe romproient infailliblement.
Tous les poiffons qui remontent ces rivieres font des efpeces de
Saumons, & font connus fous la dénomination générale de Poijjons
rouges. La nature a mis tant de différence entr’eux, qu’il s’en trouve
au Kamtchatka prefque autant d’efpeces, que les Naturaliftes en ont
obfervé dans tout l’Univers. Cependant il n’y a pas un feul poiffon au
Kamtchatka qui vive au-delà de cinq à fix mois, excepté ceux qu’on
appelle Goltfi( i ). Tous les poiffons qui n’ont point été pris, meurenc
à la fin de Décembre ; de forte qu’il n’en refte pas un feùl dans les
rivieres, excepté dans les endroits profonds & dans les fources
chaudes près de Kamtchatskoi-Oftrog fupérieur , où il s’en trouve
pendant prefque tout l’Hiver. Ces poiffons vivent fort peu de temps,
i°. Parce que leur multitude eft fi énorme, qu’ils ne trouvent pas
fans doute affez de nourriture. i ° . Comme le cours des rivieres eft
fort rapide, ce n’eft qu’avec beaucoup de peine qu ils peuvent les
(}) Efpece de Saumon.