être des peaux de Veaux marins teintes de couleur de cerife;
L'endroit où fe place celui qui conduit le canot , eft rond &
éloigné d’environ deux archines de la poupè : on y coud une
peau qui s’ouvre Si fe ferme comme une bourfe par le moyen des
courroies qui font attachées autour. L’Américain s’affied dans cet
endroit les jambes étendues , & attache cette peau autour de fou
corps , afin que l’eau ne puilfe pas entrer dans le canot : ils n’ont
qu’une rame qui eft longue de quelques toifes : ils fe fervent tantôt
d’un bout de .cette rame , tantôt de l’autre avec tant d agilité & de
fuccès que les vents contraires ne les empêchent pas d aller, & quils
ne craignent même pas de fe trouver en mer dans les plus fortes
tempêtes, tandis qu’ils ne regardent quavec une efpece de frayeur
nos gros Vaiffeaux qui font agités par les vagues , eonfeillant alorsa
ceux qui font dedans de prendre garde que leurs Vaiffeaux ne foient
renverfés ; c’eft ce qui arriva au Bot Gabriel, qui pénétra il y a quelques
années vers le Cap T’choùkotsk : ces canots font fi légers, quils
les portent d’une feule main.
Lorfque les Américains apperçoi vent des gens qu’ils ne connoif-
fent pas , ils rament vers eux, les abordent Si leur font un long dif-
cours. On ne peut dire pofitivement fi c’eft dans la vue de faire
quelque fortilege, ou pour donner aux Etrangers qu ils reçoivent
des marques d’honnêteté : on trouve le même ufage chez les Kouriles
; mais avant de s’approcher d’eux ils fe peignent les joues avec
du crayon noir , Si fe bouchent les narines avec de l’herbe.
Ils paroiffent fort civils Si fort affables en recevant lés Etrangers;
ils s’entretiennent avec autant de familiarité que d’amitie aveceoei,
les regardant toujours fixement : ils les traitent avec beaucoup de pu*
liteffe, & leur font préfent de graille de Baleine Si de c e s c rayo n s
dont ils fe peignent les joues, dans l’idée fans doute que ces cho es
leur font auffi agréables qu’elles le leur font à eux-mêmes,
La navigation dans le yoifinage de cette contrée eft fans aucun
r . danger
danger dans le Printemps Si dans l’Eté ; mais fi dangereufe dans
l’Automne, qu’il n’y a gueres de jours où l’on puiffe s’embarquer
fins courir le rifque de périr ; les tempêtes y font fi affreufes Si les
vents fi violents, que des Matelots qui avoient paffé quarante années
de leur vie fur mer, m’ont affuré qu’ils n’en ^ voient jamais
vu de fi furieufes.
Voici les lignes les plus certains auxquels on reconnoît dans ces
Contrées que l’on n’eft pas éloigné delà terre :
i°. Quand on voit flotter fur la mer une quantité de différentes
efpeees de choux marins.
i®. Lorfqu’on apperqoit une efpèce d’herbe dont on fait, au
Kamtchatka , des manteaux, des tapis & de petits faes, parce
que cette herbe ne croît que près des côtes.
3°. Quand on commence à voir fur mer des troupes d’Hiron-
delles de mer ou Cormorans, & d’animaux, comme Veaux marins
& autres femblables; car quoique les Veaux marins aient près du
çoeur une ouverture qui eft appellée foramen ovale, Si que le canal
appelle duçlus arteriojîis Botaüi en ait auflï une ; ce qui fait qu’ils
peuvent refter long-temps fous l’eau, Si s’éloigner par conféquent,
fins crainte des côtes , pour chercher leur nourriture qui eft à une
grande profondeur ; cependant on a remarqué qu’ils s’en éloignent
rarement plus de dix milles,
4°, Le ligne, le plus certain quon eft proche de la terre , c’eft:
lorfqu’on voit les Caftors du Kamtchatka , qui ne fe nourriflènt
que d’epreviffes dé mer , & qui par la conformation de leur coeur
ne peuvent guéres être dans l’eau plus de deux minutes 3 il feroit
.par conféquent impoflible à ces animaux de vivre dans un endroit
dont la diftance feroit de cent fagénes, ou même beaucoup moins :
delà vient qu’ils fe tiennent toujours près des côtes.
Il me refte encore à parler de quelques ifles voifines du Kamtchatka
qui ne font pas fous la même ligne que celles dont je viens
Tome II. P p