Lorfque la Femme eut paffé le foyer, tous les Enfants de la Iourte
fe jetterent fur elle, Si arrachèrent la baleine quelle avait fur le dos,
LaFemmesenfuit par la même ouverture qu’elle était venue ; mais
un Kamtchadal qui étoit hors de la Iourte exprès pour cela, la fai-
fît , Sc l’ayant ramenée fur la Iourte , il fe mit à ladefcendre le long
de l’échelle la tête en bas. Quelques Femmes & Filles coururent
pour la recevoir en pouffant toujours de grands cris ; après quoi
toutes fe mirent à danfer enfemble , & à crier jufqua ce qu’elles
tombaflent a terre. On marmotà des paroles comme auparavant ;
cependant les Kamtchadals partagèrent Si mangèrent la baleine que
les Enfants avoient arrachée à la Femme.
Ils chauffèrent la Iourte immédiatement aprig, & les Femmes
fe mirent a préparer le manger, chacune ayant apporté un vafe
& un mortier : elles fe mirent à piler des racines de Chela-
main ( i) , des oeufs de Poiffons, de l’herbe nommée Kiprei (i),
avec de la graille de Veau marin j Si après qu’elles eurent pilé
tout cela enfemble comme une pâte , le Vieillard prit un vafe,
s’approcha de toutes les Femmes pour prendre à chacune une cuillerée
de ce qu’elle piloit. Après qu’il en eut pris, il donna le vafe
à l’autre Vieillard, qui en prononçant tout bas quelques paroles,
défenchanta les Femmes tombées dans une efpece d’extafe. Ce Vieillard
s’affit près du feu , tenant ce qui venoit d’être pilé , ou le Tol-
koucha ; Si ayant prononcé quelques paroles fuivant l’ufage , il en
jetta au feu une petite partie, & rendit le refte au premier Vieillard.
Celui-ci donna encore à chaque Femme une cuillerée de cette
pâte, a la place de celle qui avoir été prife pour fervir d’offrande,
La nuit fe pafla dans ces cérémonies, Sc aucun des Kamtchadals ne
fe coucha.
Le lendemain, c eft-a-dire le 2 2 Novembre, vers les neuf heu-
(1) Ulmaria fruclibus Hifpidis. Srett,
(z^ Epilobium, Linn, Suec. Sp. L
■res du matin, On étendit devant- l’échelle deux peâux de Veaux
■marins, au milieu defquelles on mit une natte où s’afïirent trois
^vieilles Femmes. Chacune d’elle avoit un paquet de petits cordons
de courroie, bigarré de poil de Veau marin & de Tonchitche,
Elles étaient aidées par un Vieillard , qui après avoir pris les cordons
, Sc les avoir fait un peu brûler , les leur rendit. Les vieilles
Femmes s’étant levées de leurs places, marchèrent l’une après l’autre
dans la Iourte, Sc la parfumèrent par-tout avec ces cordons allumés
; Sc pendant que ces vieilles promenoient ces Gordons ,
les Kamtchadals, ainfi que leurs Femmes & leurs Enfants , s’em-
I preffoient de les toucher, comme fi c’eût été une chofe facrée.
Après avoir parfumé tous ceux qui étoient dans la Iourte , les 1. vieilles Femmes s’aflirent à leurs premières places, 8c une d’elles
I ayant pris les cordons des autres, fe promena pour la deuxième
I fois, en les appliquant à tous les piliers Si aux poteaux de la
I Iourte. Cependant tous les Kamtchadals fe mirent à crier, & les
I vieilles Femmes qui avoient des paquets de ces cardons, danferent
I Sc entrèrent en fureur comme auparavant. La troifieme de ces vieil-
I les fit la même chofe, après s’être promenée dans la Iourte. Enfin
| toutes tombèrent à terre comme mortes.
Celui qui les avoit aidées, ayant pris les cordons de cette vieille
qui étoit tombée à terre , les mit fur l’échelle, Si les y tint jufqu a
ce que tous ceux qui étoient dans la Iourte, fans exception, les eut-
fent touchés ; enfuite il les diftribua dans chaque coin où chacune
des Femmes en prit à proportion du nombre de fa famille ; elles les
pafferent fur chaque homme, après s’être premièrement parfumées
elles-mêmes, leurs maris Sc leurs enfants.
Au bout d’une demi-heure , les Kamtchadals étendirent devant 1 échelle une peau de Veau marin ,- Si ils attachèrent un Enfant à
chacun des deux poteaux qui étoient à côté de l’échelle. Deux Vieillards
qui entrèrent dans la Iourte , demandèrent à ces Enfants quand