pafler à travers par deux fois fa Femme & fes Enfants, qui en fortant
■de ce cercle, fe mirent à tourner en rond. Cela s’appelle chez eux
fe purifier de fes fautes.
Quand tous fe furent purifiés , les Kamtchadals fortirent de la
Iourte avec ces petites branches par le Joûpana ou la première ouverture
, & ils furent fuivis de tous leurs Parents des deux fexes. Lôrf-
qu’ilsfurent hors de la Iourte , ils paflerent pour la fécondé fois à
travers ce cercle de bouleau, après quoi ils enfoncèrent ces verges
ou petites branches dans la neige, en inclinant le bout du côté de
l’Orient. Les Kamtchadals, après avoir jette dans cet endroit tout
leur Tonchitche & avoir fecoué leurs habits , rentrèrent dans la
Iourte par la véritable ouverture, & non par le Joupana.
Parmi ceux qui étoient fur la place où l’on s’étoit purifié , il fe
trouva une fille malade, que le Vieillard fit aiTeoir fur la neige!
appuyé fur fon bâton & courbé devant elle, il fut près d’une demi-
heure à prononcer des paroles fur cette Fille. Enfin après lui avoir
fecoué les habits avec une baguette , il la laiifa aller dans la
Iourte.
La purification étant faite,' les Kamtchadals apportèrent un pe»
tit oifeau fec, & un faumon de l’efpece de ceux qu’ils appellent Goli-
J î, qu’on avoit préparé exprès»-; après lès avoir un peu grillés, ils les
coupèrent en différents morceaux, s’approchèrent enfuite du feu &
les y jetterent en trois fois pour fervir d’offrande aux efprits mal-
faifants qui viennent à leurs fêtes & qui s’emparent des femmes. Les
Kamtchadals difent qu’ils demeurent fur les nues, qu’ils reffemblent
à des hommes, excepté qu’ils ont la tête pointue ; qu'ils font de la
grandeur d’un enfant de trois ans , & qu’ils portent des habits faits
de peaux de Renards, de Zibelines & de Goulus.
Comme ils croient que ces Efprits entrent dans la bouche des
femmes au nombre de cinquante & plus, je leur demandai comment
un fi grand nombre d’Efprits de ç.ette grandeur pouvoiçnt fe faire
un
un pafTage à travers la gorge qui eft fi étroite, qu’il paroît impofïï-
ble d’y faire pafTer la main d’un enfant de cet âge ? Cela eft auffi
étonnant pour nous, me répondirent-ils ; mais peut-être font-ils
plus petits, quoiqu’ils nous paroifTent de cette grandeur.
Enfuite on chauffa la Iourte, & après avoir fait rougir des cailloux
, ils firent cuire dans des auges du poifTon léché ; & ils le
mangèrent après avoir verfé le bouillon fur les Khantai, fur les Idoles
, & fur le bouleau qui étoit encore dans la Iourte.
Quand il fallut retirer ce bouleau , deux hommes montèrent au-
deflus de la Iourte , en grimpant le long du bouleau ; car il n’eft
pas permis de monter par l’échelle. Alors ceux qui étoient dans la
Iourte , donnèrent le bouleau à ceux du dehors , &c ces derniers ,
après l’avoir promené autour de la Iourte, l’emporterent fur le Ba-
lagane où il refte toute l’année, fans qu’on le regarde avec la moindre
vénération. Ce fut par-là que finit la Fête.
Les Kamtchadals Septentrionaux différent beaucoup dans leurs,
cérémonies des Méridionaux. J’allai à leur Fête le 19 Novembre
au matin. Elle étoit déjà commencée, car toute leur Iourte étoit
balayée avant mon arrivée. On avoit fait des féparations fur les
bancs , au-defTus defquels on avoit mis des perches horifontalement,
avec des têtes groffiérement taillées. Ces efpeces de têtes s’appellent
chez eux Ourïlidatches.
Outre ces têtes, on avoit placé autour du foyer, du bois fec pour 1 ufage de la Fête. Les Kamtchadals Septentrionaux allèrent chercher
du bois & des perches pour ces têtes , avec les mêmes cérémo-
monies que les Méridionaux vont chercher Je bouleau.
Quelque temps après mon arrivée , toutes les Femmes fortirent
de la Iourte, & fe difperferent dans les Balaganès. Quand elles revinrent
, les vieilles Femmes defcendirent les premières ; enfuite les
jeunes Filles & les autres Femmes ; mais avant d’entrer dans la Iourte,.
elles y jetterent de l’herbe douce, à laquelle quelques Femmes
Tome II. M