C H A P I T R E V I II.
D u Commerce ( i ) .
O N a déjà pu voir , par ce que nous avôns dit précédemment,
quelle étoit la nature du commerce du Kamtchatka , de quelle maniéré
il fe faifoit au commencement qu on fit la conquête de ce
Pays,par les feuls Commis & Cofaques qu’on envoyôit d ’Iakoutsk
pour lever les taxes. O n a vu comment les Cofaques trafiquoient
avec les Nationaux ; on fe propofe de dire dans ce Chapitre depuis
quehemps les véritables Commerçants ont commencé à y v en ir;
de faire connoître les Marchandifes qui y ont du d éb it, & enfin les
avantages de ce Commerce.
Quoiqu’au commencement de la conquête du Kamtchatka, il y
eûtquelques Marchands en détail qui venoient avec les Colleéteurs
fie tributs, & qui portoient avec eux plufieurs petites marchandifes,
on ne peut cependant pas les regarder comme de vrais Commerçants
, parce qu’ils s’occupoient moins du Commerce que du fer-
vice militaire qu’ils faifoient comme les Cofaques : quelquefois
• Ci) Quelques petfonnes prétendent que depuis plus de cent cinquante ans il y avoit
un Commerce entre-les Kamtchadals & les Japonois : que ces derniers leur donnoient
pour des fourrures toutes fortes d’uftenfiles de fer 6c de cuivre, 6c fur-tout des aiguilles
6c des couteaux j niais'quand même cela ferait vrai, on ne peut le regarder comme
un Commerce réglé. On convient même que les Japonois ne faifoient ce trafic que
dans le cas où les tempêtes les jettoient fur ces parages. D ’autres perfonnes, au contraire,
foutiennent que les Vailfeaux Japonois venoient régulièrement deux fois l’an A l ’embouchure
de la riviere de Bolchaia Réka pour ce Commerce : cela demande pourtant confirmation.
La vérité eft que les Kamtchadals n’ont jamais eu de commerce ni entre eux ,
ni avec leurs Voifins. Quant aux Japonois , ils venoient dans les Ifles Kouriles , ou ils
échangeoient différentes marchandifes pour des fourrures 6c des plumes d’Aigles, comme
pn l’a déjà dit.
même les Commiflairesdonnoient le commandement aux Cofaques
fur ces Revendeurs ; & il n’y avoit prefque aucun de ces petits Marchands
qui ne fouhaitât avoir le rang de Cofaque ; diftinétion qui ne
ne s’accordoit pas à tout le monde, puifque, malgré le fervice militaire,
ils étoient reliés pour la plupart fous le nom de Bourgeois, & qu’à
la première revifioü ils avoient été employés fur les Regiftres de la
Capitation, comme de véritables ^Habitants de ce Pays, par la rai-
fon fans doute qu’on n’avoit point ordonné de retirer perfonne
d’un endroit fi éloigné , nouvellement découvert, & fi mal peuplé.
Ce furent les Faéteurs ou Commis des vrais Négociants , qui
commencèrent à porter quantité de Marchandifes d’abord à Okhotsk
, & enfuite à Kamtchatka dans le temps de la fécondé expédition
, pendant laquelle , vu la multitude des gens qui y étoient
employés, il fe fit un grand débit de toutes fortes de marchandifes,
& fi fort à leur avantage, que quelques-uns de ces petits Marchands
qui étoient venus de Ruifie fur des Vailfeaux en y fervant de Matelots
, étendirent tellement les branches de ce Négoce , que dans
l’efpace de fîx ou fept années, plufieurs d’entr’eux firent un commerce
de quinze mille roubles , & même davantage. Mais d’un autre
côté ce gain énorme fut caufe de la ruine de ceux qui, délirant
acquérir encore de plus grandes richelTes , ne voulurent point quitter
ce Pays ; car fe livrant pendant leur féjour au luxe & à la dé-
penfe,& n’ofant plus reparoître devant leurs maîtres, ils s’établirent
au Kamtchatka, dans l’efpérance que l’éloignement & le petit
nombre d’Habitants du Pays , empêcheroient qu’on ne les fît
retourner dans leur Patrie : mais ce fut en quoi ils fe trompèrent,
heureufement pour les Commerçants qui envoient des Faéteurs ou.
Commis dans ce Pays.
Depuis l’expédition du Kamtchatka, le Commerce de ce Pays
changea bien de face ; car tous les Officiers & Soldats qui y étoient,
payoient argent comptant tout ce qu’ils prenoient, au-lieu que les