alors le Conducteur tire fortement la bride , & la Renne qui fc
fcnt piquée s’arrête tout court. La bride de celle qui eft à gauche ;
n’a point de pointes, parce que l’une s’arrêtant, il faut que 1 autre
s’arrête aufli.
Le Conducteur eftaifis furie devant du traîneau : lorfquil veut
tourner à droite , il tire feulement la bride ; s’il veut tourner à gau.
che , il frappe avec la bride fur le côté de la Renne. Pour aller plus
■ vite, ils fe fervent d’un bâton de la longueur d’environ quatre
pieds, dont un bout eft armé d’un morceau d’os , & l’autre d’un
crochet. Ils frappent les Rennes avec le premier pour les faite aller
plus vîte, & relevent les traits avec le crochet, lorfqu’elles
marchent deifus.
On va plus vîte avec des Rennes qu’avec des Chiens ; on peut
faire , lorfqu’elles font bonnes, cent cinquante Verfts , ou près de
quarante lieues par jour ; mais il faut s’arrêter fouvent pour leur
donner à manger , & les faire piflèr ; car il l’on n’a pas cette attention
, un feul jour fuffit pour les ruiner à un point, qu’elles font
hors d’état de fervir, & même quelles meurent de fatigue.
OndrelTe les Rennes pour tirer, comme les Chevaux : on dû.
tre les mâles, en leur coupant en deux , ou perçant d’outre en outre
les veines fpermatiques, fans arracher les tëftieules ; toutes les
Rennes paiifent enfemble, aufli bien celles qui fervent à tirer, que
celles qui n’y font point dreflees. Lorfqu’un Koriaque veut les fe-
parer les unes des autres, il chafle tout le troupeau dans un meme
endroit, & commence à crier de toute fa force d’un ton particulier.
A ce cri les Rennes fe féparent à l’inftant ; fi quelquune
de la bande ne fe range pas où elle doit être , ils la battent impfc.
toyablement.
. Les Koriaques fixes ont aufli des Rennes, mais en petit nombre,
fe’ ceux qui en ont, ce qui eft rare, ne s’en fervent que pour faite
I
de longs voyages. Les Tchouktchi en ont des troupeaux fort nombreux
; néanmoins ils fe nourriflent plutôt de betes marines. Si un
Koriaque perd &s Rennes, il devient plus pauvre & plus malheureux
qu'un Kamtchadal, n’ayant d’autre reflburce pour fubfifter ;
que d’entrer au fervice de quelque Koriaque opulent, & de mener
paître fes troupeaux; car il* n’entendent rien à la pêche, & d’ailleurs
il leur eft très difficile de fe procurer des canots, des filets & des
chiens. Mais en menant paître les troupeaux, ils ont l’habillement
& la nourriture. Outre cela, s’ils ont encore quelques Rennes, on
leur permet de les faire paître avec celles de leur Maître ; & en n’y
touchant point pour fê nourrir, ils peuvent les faire multiplier avec
le temps , & parvenir à en avoir une certaine quantité.
Les Koriaques à Rennes échangent ces animaux & leurs cuirs
avec leurs voifins, pour les ’ plus belles & les plus précieufes fourrures
de ces pays: ils onttoujoursucr.fi grande quantité de fourrures,
qu’ils les portent avec eux dans des efpeces de valifes. Mais parmi
les Koriaques fixes & les Kamtchadals , il s’en trouve à peine un
fur cent, qui ait un Renard ou une Zibeline.
Quant à la Religion, les Koriaques font aufli ignorants que
les Kamtchadals ; du moins un Chef ou Prince Koriaque *
avec lequel j’eus occafion de conyerfer , n’avoit aucune idée de
la Divinité. Ils ont beaucoup de vénération pour les Démons ou
Efprits malfaifants , parce quils les craignent ; ils croient qu’ils
habitent les Rivîeres & les Montagnes. Les Koriaque? fixes recon-
noiifent pour leur Dieu, le Kout des Kamtchadals ; ils n’ont point
de temps marqués pour faire des Sacrifices ; mais lorfque la fantai-
fie leur en prend , ils tuent une Renne ou un Chien : quand c’eft
un Chien , ils le placent tout entier fur un pieu fans l’écorcher ,
& ils tournent fa gueule vers l’Orient : fi e’eft une Renne, ils n’en
fichent fur le pieu que la tête , & une partie de la langue ; ils igno-
rent à qui ils offrent ce Sacrifice : ils prononcent feulement ces
Tome II. T