D e s c r i p t i o n
Marchands étoient obligés de faire crédit aux Nationaux, & d attendre
jufqu’i l’Hiver qu’ils fuiTent de retour. Alors pour leurs Marchandifes,
ils prenoient d’eux des fourrures au prix du Pays, &
avec tant davantage, que quoiqu’il n’y eût gueres de Marchand qui
fortît du Kamtchatka fans y laiiTer plus de cent roubles, dont il
n’efpéroit rien recouvrer , cependant ils emportoient le double
& le triple de gain. Enfin fi l’on compare les échanges que l’on fait
des Marchandifes du Kamtchatka pour celles de la Chine, on trouvera
que malgré .les dépenfes qui doivent être fort confidérables ,
à caufe de l’éloignement des lieux, de la difficulté du voyage, des
frais du charroi, de ceux d’entretien .& autres ; que mille roubles en
rapportent quatre mille, comme on le verra plus çlairement ci-apres.
Mais il ne faut pas reflet plus d’un an au Kamtchatka ; car autrement
au-lieu de gagner, on court rifque dç perdre confidérablepaent ; &
gn voici les raifons,
x°, Ceux qui arrivent dans ce Pays, voyant que tout y eft fort
.cher, êf .voulant en profiter, vendent le plutôt quils peuvent ce
qu’ils ont ; ils fe dépouillent de tout, même de leurs habits, dans 1 ef-
poir de quitter bientôt le Pays ; mais lorfque quelque obftacle les y
retient une autre année, ils font obligés de payer au double toutes
les chofes dont ils ont befoin.
iP, Plus les fourrures font gardées , plus elles perdent dç leur
couleur, & par conféquent de leur beauté & de leur prix,
y°. Parce que les Marchandifes qui relient dans les magafins ne
leur rapportent aucun intérêt, fans parler du defagrement & de 1 ennui
de vivre dans ce Pays , de la mauvâife qualité des vivres & de
leur cherté exceffive, ainfi que de celle des logements, des magafins
, &c. inconvénients que l’on évite en ne fejournant pas longr
temps dans ce Pays.
Les Marchandifes que l’on apporte au Kamtchatka, font tirées
de la Rulfie, ou de l’Europe, de la Sibérie , de la Bulgarie & des
W Caîmouques,
Caîmouques. On y porte des draps communs de différentes couleurs
, toutes fortes de chauffures qui fe font à Kafan ou à Tobolsk ;
des mouchoirs de foie & de coton ; du vin , en petite quantité cependant
; du fucre , du tabac, différentes bagatelles en argent,
quelques galons , des miroirs, des peignes, de fauflès perles &
des grains de verre. On y porte de la Sibérie différents vailfeaux
de fer & de cuivre , du fer en barre & divers outils de ce métal,
comme des couteaux, des haches , des fcies & des briquets , de la
cire, du fel, du chanvre, du fil pour faire des filets ( ces marchandifes
font très agréables aux Habitants ) des peaux de Rennes tannées
, de gros draps & des toiles communes. De la Boukharie &
du Pays des Caîmouques, on y porte des toiles peintes, des toiles
de coton blanches luflrées.& de différentes couleurs , & d’autres
marchandifes de ce Pays. On apporte de la Chine des étoffes de foie
& de coton de différentes efpeces , du tabac , dç, la foie , du corail ,
& des aiguilles qu’ils préfèrent à celles de Ruffie , & autres chofes
femblables. On y porte du Pays des Koriaques toutes fortes de
peaux de Rennes crues & préparées ; c’efl la meilleure marchandife,
parce qu’il s’en fait un grand débit.
Les Marchands ne doivent point fe charger d’une trop grande
quantité de marchandifes ; car à quelque bon marché qu’ils les don-
naffent, perfonne ne les acheteroit, parce que ceux qui habitent
ce Pays rie faifant point de commerce , n’achetent point des Marchands
qui s’en vont, les effets qui leur relient : femblables en cela
aux Kamtchadals même, ils n’achetent prefque jamais rien des chofes
qui ne leur font pas néceffaires pour le moment, à quelque bas
prix qu’on les leur cède ; & quand ils fe trouvent dans Je cas d’en
avoir befoin , ils les achètent quatre ou cinq fois plus cher de leurs
Compatriotes : c’efl pour cette raifon qu’il n’efl pas poffible de déterminer
avec certitude le prix des marchandifes qu’on porte au
Kamtchatka. On peut dire, en général ¿.qu’en Automne, lorfqu’il
Tome II. D d d d '