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fi grande quantité d’eau, que ceux qui etoient a fond de cale,
en avoient jufqu’aux genoux s quoiqu'on fit agir fans cefTe les
deux pompes , 8c que chacun travaillât a puifer 1 eâu avec des
chaudrons 8c tous les vafes qui tomboient fous la main, elle ne
diminuoit point. Notre Vaiffeau étoit tellement chargé , que
l’eau entroit déjà dans fes fabords : il n-y avoir pas d autre moyen
pour nous fauver que d’alléger le Vaiffeau. Le temps étoit calme ,
ce qui contribua beaucoup à nous fauver : il n étoit plus poffibl©
de retourner à Okhotsk. Nous jettâmes à la mer tout ce qui étoit
fur le pont, ou attaché autour du Vaiffeau ; mais cela ne produi-
fant aucun effet/nous jettâmes encore environ quatre cents potw
des de la cargaifon , que l’on prit indiftindement ; enfin l’eau commença
à diminuer. On ne pouvoir pourtant pas quitter la pompe ;•
car en quelques minutes l’eau augmentoit de deux pouces. Tous
çeux qui étoient dans le Vaiffeau , excepte les malades, allaient y
travailler â leur tour.
Nous reliâmes dans cette trille fituation jufqu’au 14 Odobre ;
ayant fans ceffe beaucoup à fouffiir du froid 8c de la neige melee de
pluie.Enfin nous arrivâmes à l’embouchure de la BolchaiaRéka,8i
nous y entrâmes ; mais il s’en fallut peu que ce ne fût pour notre mal-
heur. Les Matelots ne Gonnoiffoient ni le flux, ni le reflux.. Prenant
donc le flux pour le reflux, ils ne fe virent pas plutôt au milieude ces
vagues écumantes qui s’élèvent, même par le temps le plus calme , a
cetteembouchureaucommencementduflux &dureflux ,quun vent
de Nord rendoit alors-très hautes, qu’ils s’abandonnèrent au defef-
poir. Ces vagues étoient fi impétueufes, qu’elles paffoientpar-deffus
l e Vaiffeau, qui étant très mauvais craquoit de toutes parts. I ln y
avoit plus d’efpérance d’entrer dansl’embouchure de la riviere, tanta
caufe du vent contraire que nous avions de côté, qu’à caufe de la rapidité
du reflux- Plufieurs étoient d’avis de regagner la mer & d attendre
le flux, Sil’on avoit iuivileur confeil,nous étions perdus fans
ïèffource ; car ce vent impétueux du Nord continua d’être fi violent
pendant plus d’une femaine, qu’il nous auroit emportés en
pleine mer, où pendant ce temps notre Vaiffeau auroit infailliblement
péri. Mais par bonheur pour nous, on fe détermina à fuivre
l’avis de ceux qui foutinrent qu’il valoit mieux nous faire échouer,
fur la côte 3 ce que nous fîmes environ à cent braffes de l’embouchure
de la riviere du côté du Midi. Notre Bâtiment fut bientôt, à
fec , car le reflux duroit encore.,
Sur le foir, lorfque le flux revint, nous coupâmes le mât. Le;
lendemain nous ne trouvâmes; plus que des planches des débris de
notre Vaiffeau , le refie fut emporté par la mer.. Nous vîmes alors,
tout le danger que nous avions couru 3 car toutes les planches du,
Vaiffeau étoient noires 8c fi pourries, qu’elles fe rompoient aifémenc,
fous la main.
. Nous reftâmes fur la cote dans des Balagatles & des cahutes jufqu’au
2,1 de ce mois, attendant les canots qu’on de voit nous en-,
yoyer de l’Oftrog. Pendant le temps de notre féjour, il y eut un,
tremblement de terre prefque continuel 3 mais comme il étoit très,
foible, nous attribuâmes le mouvement que nous fendons & la difficulté
avec laquelle nous marchions, à notre foibleffe & à la violente
agitation que nous venions d’effuyer fur la mer. Nous ne fûmes
pas long-temps à reconnoître notre erreur 5 car quelques Kou-
riles-qui vinrent dans l’endroit où nous étions, nous dirent que le
tremblement de terre avoit été très violent, & que les eaux de la mer
s’etoient élevées très haut, comme on en a parlé dans la feconde-
partie de cet Ouvrage.
Nous partîmes de cet endroit le 11 Oélobre , & le lendemain;
nous arrivâmes fur le foir à Bolchéretskoi-Oilrog,
La route pour aller d’Iakoutsk au Kamtchatka, eft auffi longue
& pénible , que le retour en eft prompt & facile. i°. Le Vaiffeau
qui fait ce trajet, paffe ordinairement l’Hiver au Kamtchatka, &