Les Toungoufes à Rennes vont à la chaffe de ces animaux avec
toute leur famille. Chez les Iakoutes, il n’y a que les hommes qui y
aillent, tandis que les femmes relient avec les enfants dans leurs
Iourtes. Chaque bande eft rarement compofée de plus de fix hommes.
Ils fe choi'fiffent dans chacune un chef | auquel ils promettent
une entiere obéiffance.
Ceux des Iakoutes qui font riches, ne vont pas eux-mêmes à la
chaffe des Zibelines, ils y envoient à leur place des mercenaires, à
qui ils font obligés de fournir des habits pour la route, la nourriture
& des Chevaux ; ils payent auffi les taxes pour eux, & entretiennent
leurs femmes pendant leur abfenee.
Lorfqu’ils fe préparent pour aller à la chaffe, on facrifie avec des
cérémonies fuperftitiëufes un Veau d un ou de deux ans. Pendant
ce temps-là un Prêtre grave au pied d un arbre qui eft proche, un
bulle d’une figure humaine, reffemblant a leur grande idole nommée
Baibaïana, qui préfide fur les animaux & fur les forets. Apres
avoir tué le Veau , le Prêtre barbouille la figure de cette idole avec
lefang de la viétime , en faifant des voeux.pour que les Chaffeurs
voient chaque jour de leur chalïe enfanglante, ainfi que limage de
leur Idole, qui gît alors toute couverte de fang.
En même-temps que l’on fait ce facrifice, le Prêtre invoque auffi
d’autres Idoles qui, fuivant leur fupërftition , veillent à la confer-
vation des hommes ; afin qu’elles protègent & défendent les Chats
feurs de même que toute leur famille qui eft reliée dans 1 habitation.
Le Prêtre invoque auffi l’efprit malfaifant qui enleve les petits
enfants, afin qu’il ne faffe point de mal à ceux quils ont biffés
dans leurs maifons ; mais pour que leurs prières foient reçu es
plus favorablement, ils préfentent aux Idoles, auffi-bien qu a cet e -,
prit malfaifant, un morceau du Veau qu’on a facrifié.
Pour favoir d’avance quel fera le fuccès de la chaffe, ils jettent
devant
devant l’Idole Baibainai une grande cuiller femblable à celle dont
ils fe fervent pour manger ; & fi la cuiller tombe de façon que le
côté où l’on mange foit en haut, ils regardent cela comme un ligne
que la chaffe fera heureufe : fi elle tombe dans un fens contraire ,
cela paffe pour un mauvais augure.
Après ces préparatifs, toutes les bandes partent'enfembleà cheval
pour la chaffe , & chacun emmene deux ou trois chevaux de relais
chargés de provifions, qui confiftent en chair de boeuf & en beurre.
Le premier jour de leur voyage, ils font tout leur poffible pour
tuer quelques animaux ou quelques oifeaux. Si le fuccès répond à
leurs défirs, ils regardent cela comme un pronoftic très heureux
pour leur chaffe.
Us laiffent dans leur route des provifions de diftance en dif-
tançe , c’eft-à-dire à la diftance d’une femaine ou de dix jours de
marche d’un endroit à un autre, afin de trouver de quoi fubfifter
en revenant.
Lorfqu’ils font arrives- dans les lieux indiqués pour la chalïe des
Zibelines ( ce qui n’eft que dans le mois de Novembre , parce
qu’ils vont lentement en chaffant fur leur route pour fournir à leur
fublillance), ils tuent auffi tous leurs Cheyaux pour fe nourrir pendant
le temps de la chaffe.
Ils fe partagent par deux à l’endroit de la halte, aux environs de
laquelle ils mettent des pièges & des arcs qui tirent deux-mêmes,
fur lefquels ils font fort attentifs ; & s’il arrive que les Zibelines
ou quelques autres Bêtes fe détournent d’un piège ou des arcs, ils
les changent de plaee, Se les mettent fur la trace de ces animaux.
Les pièges que les Iakoutes emploient pour la chaffe , font fort
différents de ceux des Chaffeurs Ruffes.
Outre les pièges & ces arcs qui tirent d’eux-mêmes, les Iakoutes,
à l’exemple des Chaffeurs Ruffes, fe fervent de fléchés en maffue, &
de fléchés à l’ordinaire avec lefquelles ils tuent les Zibelines fur lçs
Tome II, G gg