Les Kamtchadals defcendent dans leurs Iourtes par des échelles ,
dont une des extrémités eft placée proche le foyer, & l’autre dans
l’ouverture qui fert de cheminée ; de maniéré que quand ils font du
feu, l’échelle eft brûlante, & qu’il faut retenir fon haleine , 11 l’on
ne veut pas être fuffoqué par la fumée. Mais les Kamtchadals ne
s’en embarraifent pas ; ils grimpent comme des écureuils fur ces
échelles, dont les échelons font II étroits, qu’on ne peut y mettre
que la pointe du pied. Les Femmes paiTent même volontiers à travers
la fumée avec leurs Enfants fur leurs épaules, quoiqu’il leur
foit permis d’entrer & de- fortir par une autre ouverture, qu’ils
appellent Joupana. Mais on fe moqueroit d’un homme qui y pa£
feroit, & il feroit regardé comme une Femme. Les Cofaques , qui
dans les commencements n’étoient point accoutumés à paifer à
travers la fumée, fortoient par le Joupana, deftiné pour les Femmes
; aulli les Kamtchadals les regardoient-ils comme ce fexe.
Ils ont des bâtons faits en guife de tenailles , nommés Andron'y
pour jetter hors de leurs Iourtes les tifons ;eeux qui lancent avec
ces bâtons du fond de la Iourte les plus gros tifons par l’ouverture
fupérieure , font regardés comme les plus habiles &c les plus
adroits.
Les Kamtchadals habitent les Iourtes depuis l’Automne juf-
qu’au Printemps ; ils vont enfuite dans les Balaganes , qui leur fervent
de Maifons & de Magaflns pendant l’Eté. Elles font faites de
la maniéré fuivante ( N°. VIII ).
Us plantent d’abord neuf poteaux de la hauteur de deux Sagènes
ou de treize pieds environ de France ; ils les mettent fur trois rangs
à égale diftance les uns des autres. Us joignent les poteaux avec des
traverfes, & mettent delfusdes foliveaux pour faire le plancher,
qu’ils couvrent de gazon. Pour fe garantir de la pluie, ils conftrui-
fent avec des perches un toit pointu, qu’ils couvrent auffi avec
du gazon , après avoir alluré avec des courroies & des cordes
les extrémités des perches aux bouts des folives d’en bas. Us y pratiquent
deux portes en face l’une de l’autre, & ils montent dans les
Balaganes avec les mêmes échelles dont ils ont fait ufage pendant
l’Hiver, pour defcendre dans leurs Iourtes.
Us conftruifent ces Balaganes non-feulement auprès de leurs
Iourtes ou habitations d’Hiver, mais encore dans tous les endroits
où ils vont paifer l’Eté pour y faire des provilîons.
Ces bâtiments leur font fort commodes pour garantir leur Poif-
fon de l’humidité, la pluie étant très fréquente dans ce Pays. Les
Balaganes leur fervent encore pour faire fécher leurs Poiflbns , &
ils les y laiiTent jufqu’en Hiver, fe contentant de retirer les échelles
, pendant ce temps. Si ces Balaganes étoient moins hautes,
leurs Provilîons deviendroient la proie des Bêtes ,• malgré ces
précautions, on a vu plulieurs fois les Ours grimper dans les Balaganes,
fur-tout pendant l’Automne, lorfque les Poiffons commencent
à devenir rares dans les Rivieres, & les fruits dans les Campagnes.
En Eté , loriqu’îls vont à la chaflè, ils conftruifent auprès de
leurs Balaganes des hutes de gazon, dans lefquellés ils préparent
leur manger, & vuident le Poiifon pendant le mauvais temps. Les
Cofaques y font du fel de l’eau de mer.
Les Oftrogs confidérables font entourés de Balaganes ; ce qui
offre de loin un coup d’oeuil fort agréable, chaque Oftrog reflèm-
blant aune petite V ille, & les Balaganes à des Tours.
Les Kamtchadals méridionaux qui vivent le long de la Mer de
Pengina, bâtiffent ordinairement leüri Oftrogs dans les bois, à
vingt werfts de la mer & quelquefois plus, ou dans des lieux fortifiés
par la Nature, & qui ont une iîtuation sûre & avantageufe.
Mais ceux qui habitent du côté de la Mer orientale, conftruifent
les leurs près de la Côte.
Tous les Habitants d’un Oftrog regardent les bords de la ri-
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