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quelle eftcomme une ftatue. Si l’Amant a le bonheur de la trouver
feule , ou fi elle n’eft gardée que par quelques femmes, il fe jette fur
elle avec impétuofité, arrache & déchire les habits, lés caleçons & les
filets dont elle eft enveloppée, afin de pouvoir toucher aux parties
naturelles, car c’eft en quoi confifte chez eux toute la cérémonie du
mariage. Mais la Future, ainfi que les autres filles & femmes, pouffe
de grands cris, & celles-ci tombent fur l’Amoureux, le battent ;
lui arrachent les cheveux, lui égratignent le vifage, & emploient
toutes fortes de moyens pour l’empêcher d’exécuter fon deffein;
s’il eft aifez heureux pour réuffir, il s’éloigne auffi-tôt de fa Maî-
treflë qui lui donne dans ce moment des marques de fon triomphe,
en prononçant d’un ton de voix plaintif & tendre ni ni.
' Voilà en quoi confifte toute la cérémonie nuptiale ; cependant
l’Amant ne paryient pas tout de fuite à fon but, & fes tentatives
durent quelquefois une année entiere , ou même plus, & dans ces
circonftanees il eft quelquefois fi maltraité, qu’il eft long-temps à
fe guérir de fes bleffures, ou à recouvrer fes forces ; il y a plus d’un
exemple de quelques-uns de ces Amants, qui au-Iieu d’obtenir leur
Maîtreife après avoir perfévéré fept ans , n’ont eu que des plaies &
des contufions , & ont été eftropiés , ayant étéjettés du haut des
Balaganes par les femmes. Quand il a touché fa Maîtreife, il a h
Jiberté de venir coucher avec elle la nuit fuivante ; le lendemain il
l’emmene dans fon habitation , fans aucune cérémonie ; il revient
quelques temps après chez les parents de fon époufe pour célébrer
la noce. On obferve dans cette occafion les cérémonies fuivantes,
dont j’ai ététémoin moi-même en 1739 dans une Habitation du
JKamtchatka, fituée fur la petite riviere Ratouga.
’ L ’Epoux accompagné de fes parents & de fa femme s’embarqua fur
trois grands canots, & fut rendre vifite à fon beau-pere. Les femmes
aflïfes dans ces canots avec la jeune Mariée, étoient pourvues abondamment
de provifions de bouche, de joukola, de graiffe de Veau
marin
marin & de. Baleine, de la Sarane , &ç. Les hommes ûfans en excepter
le jeune Marié, étoient tout nuds , & conduifoient les canots
avec, des perches.
Lorfqu’ils furent à cent.toifes environ de l’Oftrog, ils mirent pied
àterre, & commencèrent à chanter ,àfairedes fortiieges, ou conjurations,
& à attacher des guirlandes de Tonchitche à des baguettes,
prononçant quelques paroles fur une tête de poilfon fec, qu’ils
entortillèrent aufli de la même herbe, & qu’ils donnèrent à une
vieille femme qui étoit avec eux.
Le fortifege achevé, on pafla à la jeune Maniée par-deffus fes
habits, une camifole de peau de mouton, à laquelle étoient attachés
des caleçons & quatre autres habits: par-deffus, de forte quelle étoit
Comme unmanequin, étendant les mains & ayant peine à fe remuer :
ils remontèrent enfuitç dans leurs canots, & allèrent jufqu’à l’Habitation
où ils abordèrent.
Un des plus jeunes, garçons qui avoit été envoyé de l’Habitation
du beau-pere , conduifit la jeune Mariée depuis l’endroit où- on
avoit abordé jufqu’à la Iourte : les autres femme? venoieot • après
elle.,; . v; '■ .. _ ,
Lprfquon lleut menée fur la Iourte , on mit autour d’elle-une
courroie avec laquelle on la defeendit dedans. Elle avoit été précédée
par la Vieille à qui on avoit donné la tête de poiffon qui
fut mifedevant l’échelle, & foulée aux pieds pat tous ceux de l’un
& de l’autre fexe qui .étojent du voyage , par le jeune Marié & fon
époufe y enfin par la (Vieille même qui plaça cette riète fur le foyer à
côte du bois préparé pour chauffer la Iourte.
Aprèsqudn.eut ôté à la Mariée les habillements fuperflus qu’on
,lui avoit mis en chemin, tous ceux qui étoient venus avec elle, fe plât
r e n t , & s’ailirent dans différents endroits. Le jeune Marié chauffa
la. Iourte, & après avoir préparé les provifions qu’il avoit apportées,
il en régala les Habitants de l’Oftrog de fon beau-pere. Le lënde-
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