On ighore au Kamtchatka le nombre & les différentes efpéces
de Koriaques à Rennes, qui dépendent de l’Oftrog d’Anadir. On
croit cependant que cette Nation jointe aux Koriaques fixes, eft
plus nombreufe que celles des Kamtchadals,
Les Koriaques à Rennes habitent, fur-tout pendant l’hiver, les
endroits où il y a une affez grande quantité de moufle pour la nourriture
de leurs Rennes , fans s’embarraffer fi on y manque d’eau ou
de bois. En hiver ils fe fervent de la neige au lieu d’eau , & font
cuire leur manger en brûlant de la moufle, ou du bois de petits cèdres
( i ) qui croiffent par-tout dans ce pays. Je puis affiner que leur
façon de vivre pendant l’hiver , eft plus défagréable & plus incommode,
que celle des Kamtchadals; leurs Iourtes font remplies d’une
fumée fi épaiffe, occafionnée par le bois verd qu’ils brûlent, &
par la chaleur du feu qui fait dégeler la terre, qu’il eft impoflible
de voir un homme qui eft de l’autre côté. D ’ailleurs cette fumée
eft fi âcre, que quelqu’un qui n’y eft pas accoutume, peut y perdre
la vue enunfeul jour. Je n’ai pu moi-même y refter- pendant cinq
heures,' 8c quoique j’en fortifie plufieurs fois durant cet intervalle,
j’en eus fort mal aux yeux.
Leurs Iourtes font faites de même que celles des autres Nations
errantes, par exemple, comme Celles des Caknouques , mais elles
font beaucoup plus petites. Us les couvrent pendant l’hiver de peaux
de Rennes nouvellement écorchées, pour avoir plus chaud, & en été;
avec des peaux tannées. Il n’y a dans l’intérieur de la Iourte ni planchers
ni cloifons ; ils plantent feulement au milieu quatre petits pieux
avec des traverfesqui font appuyées deffus ; le foyer eft entre ces pieux :
ils attachent ordinairement à ces pieux leurs chiens qui profitent fou-
vent de la proximité pour tirer & emporter la viande des planches
creufes fur lefquelles on la met, lorfqu’elle eft cuite; ilslapren-
(i) Çedrushumili&
nent même dans les chaudrons lorfqu’elle eft encore fur le feü,
malgré lés grands coups de cuillers que leurs maîtres ne manquent
pas de leur donner , quand ils s’en apperçoivent. Il faut avoir bien
faim pour manger des viandes qu’ils ont ainfi apprêtées ; car àu-
lieu de laver les chaudrons & les efpeces de plats ou planches creufes
fur lefquelles ils mettent leur viande, ils les font lécher à leurs chiens.
Les femmes en préparant leurs repas, donnent à ces chiens de grands
coups de leurs cuillers, & s’en fervent auifi-tôt pour remuer la
viande. Us ne la lavent jamais, ils la font toujours cuire avec la peau
& le poil ; enfin on ne fauroit fe repréfenrer rien de plus malpropre
&c de plus dégoûtant. •
Les Iourtes d’hiver des Tchouktchi, font auifi incommodes que
Celles des Koriaques, à caufe de la fumée ; elles ont cependant l'avantage
d’être très chaudes. On les fait dans là terie,D ' de la même maniéré
qu’au Kamtchatka; elles font incomparablement plus fpacieufes,
puifque plufieurs familles y demeurent : chacune a fon banc féparé,
fur lequel elle étend des peaux de Rennes ; ces bancs leur fervent
de fiége pendant le jour , & de lit pendant la nuit. Il y a fur chaque
banc une lampe qui brûle jour & nuit : c’eft une terrine placée
au milieu du banc, dans laquelle 011 met de l’huile de différentes
bêtes marines ; la moufle tient lieu de mèche. Quoique ces Iourtes
aient en haut une ouverture pour laiffer fortir la fumée, cela n’empêche
pas qu’elles n’enfoientaulfi remplies que celles des Koriaques.
Il y fait fi chaud, que les femmes y reftent nues-, comme on l’a
déjà dit ; elles fe couvrent feulement les parties honteufes avec
leurs talons, & regardent avec autant de joie & de fatisfaétion ,
les empreintes ou différentes figures qu’elles fe font faites fur le
corps, que fi elles étoient revêtues des habits les plus riches & les
plus commodes.
Ces Peuples portent tous des habits faits de peaux de Rennes ,
qui ne différent en rien de ceux des Kamtchadals, puilque ces der