9 4 H i s t o i r e
Tonchitche ; & après l’avoir fait paiTer de main en main, ils le fuf-
pendirent à de petits piquets fichés fur la muraille , & ordonnèrent
aux Serviteurs de ne laiifer fortir, ni entrer perfonne. Ayant
alors fermé la porte de la Iourte , ils fe couchèrent & s’entretinrent
fur la chalTe & fur la pêche.
Au bout de quelque temps ils ordonnèrent à un Serviteur de gratter
à la porte, enfuite de l’ouvrir & d’apporter du Balagane, une
mâchoire de poiiTon &c une tête entiere.
Lorfquil les eût apportés, un Vieillard les reçut, & les ayant
enveloppes dans du Tonchitche ; il marmotta fur elles quelques
paroles, & fut s’alfeoir auprès du foyer. Les autres Vieillards s’approchèrent
de lui, & après avoir foulé aux pieds la mâchoire & la
tête de poiiTon, & paffé à travers le foyer, ils retournèrent à leur
place. Les Serviteurs fortirent enfuite de la Iourte ; & c’eft par-là
que finit leur première Cérémonie fecrete.
Au bout de deux heures, tous les Kamtchadais, hommes, femmes
enfants qui avoient été malades, ou qui avoient couru le
danger d‘'être néyés pendant cette année , s’alfemblerent dans la
Iourte ; les Femmes entortillèrent de Tonchitche la tête de tous les
Hommes & des Enfants : après leur avoir donné dans une main du
Tonchitche , & dans 1 autre de l’herbe douçe, ils les firent fottir de
la Iourte ; mais fis tournèrent auparavant avec l’herbe douçe autour
de l’échelle ; & lorfqu’ils furent montés fur la Iourte, ils en firent
trois fois le tour, en commençant du côté où le Soleil fe leve. Après
cela , fe tenant toujours fur la Iourte, ils déchirèrent en petits morceaux
l’herbe douce & le T onchitche, & les jetterent dans la Iourte,
Enfuite ils defcendirent dedans, & ayant ôté de deffus eux les guirlandes
de Tonchitche, ils les mirent fur le foyer. Ceux qui avoient
été malades pendant cette année, les foulèrent aux pieds, & retournèrent
à leur place. A l’égard de ceux qui avoient été expofés au
danger de fe néyer, ils fe couchèrent fur l’endroit où écoit le feu»
repréfenterent tous les mouvements qu’ils faifoient en fe néyant,
|& appellerent par leur nom ceux dont ils imploroient le fecours.
! Ceux-ci s’étant approchés du foyer , les tirèrent de delfus la cendre,
¡comme s’ils les eulfent retirés de l’eau.
Enfin on apporta la mâchoire du poiiTon, & elle fut jettée dans
île foyer, en criant : tou, tou, tou. On mit en pièces dans les deux
jçôtés de la Iourte deux poiífons appellés Rogatka, Pijciculus aculea-
ttus ; & on en jetta les morceaux fur le plancher. Cependant les Serviteurs
qui étoient fords éteignirent les lampes qu’on avoit allumées,
ramaflerent les nattes d’herbes dont la Iourte étoit couverte, allumèrent
un petit feu dans lequel ils mirent une pierre ; & ayant brûlé
[toutes les guirlandes qui avoient été fur les têtes des malades & des
Sneyés, ils ordonnerentaux Enfants d’éteindre le feu avec des pierres*
¡Ce fut de cette maniere que finit la Cérémonie fecrete; & on ne fit
plus rien ce jour-là.
Le furlendemain on chauffa la Iourte dès le matin. On mit devant
le feu deux bottes d’herbe féche ou de paille , & des baguettes
[liées enlêmble. Les Serviteurs de la Fête fe tenoient debout l’un &
[l’autre auprès de ces deux paquets. Lorfque le feu fut bien em-
brafé, & après avoir paffé de main en main ces bottes , ils fe mirent
à les délier , & donnèrent les baguettes aux Hommes. Quelques-
juns les rompoient en petits morceaux; d’autres les plioient en cercles
, prononçant certaines paroles. Quant à la paille, on la tranC
porta du côté du foyer , & ils fe mirent à faire le Porn.
Les Kamtchadais ne purent ou ne voulurent point nous dire
jCe^que lignifie- ce Pom, & pourquoi on le fait. C ’eft une fi-
igure femblable a un homme , de la hauteur d’environ une demi-
Archme. Us lui mirent un Priape de la longueur de deux toifes
ou meme davantage. On pofa cette figúre la tête du côté du feu, 1 on attacha fon Priape au plafond. Pendant qu’on étoit oc