D e s c r i p t i o n
cent fur la corde pour la rompre. Il y en a enfin qui, à coups de
queue,tâchent de faire fortir le harpon du corps de l’animai blefle;
ce qui leur réuffit quelquefois.
L ’amour qui eft entre le mâle & la femelle , eft fur-tout remarquable.
Le mâle après avoir mis inutilement tout en oeuvre pour
délivrer fa femelle que l’on tire vers le rivage, la fuit malgré les
coups qu’on lui porte , & s’élance quelquefois tout-à-coup vers
elle avec autant de rapidité qu’une fleche, toute morte quelle eft,
On en a même vurefter deux ou trois jours fur le corps de leur femelle
fans la quitter.
On ne peut pas dire fi cet animal mugit : il ne fait que fou-
pirer fortement ; & lorfqu’il eft bleifé il pouffe de grands gémif-
fements. On ne fauroit non-plus dire avec certitude, jufqu’où s’étend
en lui la faculté de l’ouïe & de la vue , il ne paroît guere faire
ufage de ces deux fens. Mais peut-être en eft-il privé, ou ne les a-
t-il très foibles, que parce qu’il a toujours la tête dans l’eau.
On trouve une fi grande quantité de ces animaux autour de fille
de Bering, qu’ils fuffiroient feuls pour la fubfiftance de tous les Habitants
du Kamtchatka.
Quoique la chair des Manatées foit dure à cuire , elle eft cepen-
pendant d’un fort bon goût, & approche beaucoup de celle du
Boeuf. Le lard des jeunes reffemble fi fort à celui du Cochon, &
leur chair à celle du Veau, qu’on auroit de la peine à en faire la différence.
La chair des jeunes fe cuit aifément ; fon fuc fait de bon
bouillon : elle s’enfle fi fort, que lorfqu’elle eft cuite , elle occupe
deux fois plus de place que lorfqu’elle eft 'crue. On ne peut faire
cuire, comme il faut, la graiffe qui eft près de la tête & de la queue;
mais la chair du ventre , du cou, du dos & des côtes, eft très délicate.
Quelques-uns prétendent que la chair de cet animal ne fe
garde point dans le fel ; c’eft à tort : elle fe fale aifément, & ne différé
point de toute autre viande falée.
Outre les animaux marins dont je viens de parler, M. Steller
vit encore dans le voifinage de l’Amérique , un animal marin extraordinaire
& inconnu jufqu a préfent. Void la defcription qu’il
nous en donne.
Cet animal eft de la longueur d’environ deux archines ; fa tête
eft femblable à celle d’un Chien ; fes oreilles font droites & pointues
: il a de longs poils comme une efpece de barbe fur fes lèvres
I inférieures & fupérieures fes yeüx font grands ; la forme de fori
corps eft ronde & un peu longue ; plus groffe vers la tête, & beaucoup
plus mince vers la queue : il eft tout couvert d’un poil fort
épais, qui eft gris fur le dos, Sc d’un blanc mêlé de roux fous le
ventre; mais dans l’eau cet animal paroît de la couleur d’une vache.
Le bout de fa queue , qui eft une efpece de nageoire , fe fépare en
deux parties , dont celle de deffuS paroît plus longue que l’autre :
cependant M. Steller fut très furpris de ne lui trouver ni pieds, ni
nageoires comme aux autres animaux.
Quanta l’extérieur, cet animal reffemble beaucoup à celui auquel
M. Gefner, dans fon Hiftoire des Animaux, donne le nom de
Singe marin. Ce nom lui convient, dit M. Steller, tant à caufe
de la reffemblance de cet animal avec le Singe marin, que par rapport
à fes inclinations fingulieres, fes lingeries & fon agilité. Il
nagea autour de leur vaiffeau, & refta plus de deux heures à regarder
tantôt une ehofe, tantôt une autre, avec un air d’étonne-
ment. Quelquefois il s’en approchoit fi près, qu’on auroit pu le
toucher avec une perche : quelquefois il s’éloignoit davantage, &
fur-tout lorfqu’il remarquoit du mouvement fur le vaiffeau. Il s e-
levoit au-deffus de l’eau du tiers de fon corps, & fe tenoit droit
comme un homme, fans changer de fituation, pendant quelques
minutes. Après les avoir regardés fixement environ une demi-heure j
il fe plongea comme un trait fous le navire , & reparut de l’autre
côté : mais bientôt après s’étant replongé, il revint dans fa première