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des habits trop étroits, ou qu’ils foient trop ferrés par leur ceinture,
ils difent que le froid eft alors infupportable | parce que l’habit devenant
humide par la vapeur de leur refpiration, ils ne peuvent
alors fe réchauffer.
Lorfqu’un ouragan les furprend dans une plaine, ils cherchent
quelque petite colline , au pied de laquelle ils fe couchent ; & afin
que la neige en s’amaiTant fur eux ne les étouffe point, ils fe lèvent
à chaque quart-d’heure pour la fecouer. Mais comme les vents de
l’Eft & du Sud-Eft font accompagnés ordinairement de neige humide
, il arrivefouvent que les Voyageurs qui en ont été mouillés,
font gelés ou meurent de froid, parce que ces ouragans finiffent
prefque toujours par des vents de Nord & par une forte gelée.
On eft encore expofé à perdre la vie, en voyageant dans cette
faifon fur les rivieres ; on en rencontre beaucoup qui ne font pas
entièrement gelées, ou fi elles le font, on y trouve de grands
trous qui ne gelent pas, même dans les froids les plus rigoureux.
Comme prefque tous les chemins font le long des rivieres dont
les bords font roides montagneux , & dans quelques endroits
prefque impraticables , il fe paffe peu d’années qu’il ne périflè plu-
fieurs perfonnes dans ces routes. On eft obligé dans quelques
endroits de paffer fur l’extrémité de la glaee ; & quelquefois elle
fe rompt, ou le traîneau gliffe dans l’eau, alors on fe noient communément
, a caufe de la rapidité de la riviere : fi quelques Voyageurs
font affez heureux pour s’en tirer, l’humidité dont leurs habits
font pénétrés les fait mourir dans les plus vives douleurs, lorf-
qu’ils ne trouvent point d’habitation dans le voifinage,
On eft obligé dans ces voyages de traverfer des bois de faule
fort épais ; on court alors le rifque de fe crever les yeux, & de fe
rompre les bras ou les jambes ; car c’eft précifément dans les en*
droits les plus difficiles & les plus périlleux, que les Chiens effld
u K a m t c h a t k a .'
ploient toutes leurs forces pour courir plus vite, & pour fe délivrer
de leur fardeau : fouvent ils renverfent le traîneau & le Conducteur,
comme on l’a déjà dit.
Le temps le plus favorable & le plus propre pour voyager, eft
aux mois de Mars & d’Avril, quand le froid eft moins rigoureux,
& que la neige eft cependant encore ferme. Mais on eft obligé de
paffer deux ou trois nuits dans des lieux déferts , & il eft difficile-
d’obliger les Kamtchadals à faire du feu pour apprêter le manger,,
ou pour fe chauffer ; eux & leurs Chiens ne fe nourrilîànt que de
poiffons iècs. Ils s’accroupiffent fur le bout des doigts du pied ,,
s’enveloppent de leurs péliffes, & ils ne comprennent pas que le»
Voyageurs puilfent avoir froid ; ils dorment cependant dans cette
iïtuation gênante, fans reffentir le moindre froid , & lorfqu’il»
fe réveillent, ils ont auffi chaud & auffi bon vifage que s’ils avoiene
paffé la nuit dans un bon lit. Cela eft commun à toutes les Nations
fauvages de ce Pays. J’ai vu plufieurs de ces Sauvages, qui y
s’étant couchés le foir le dos nud , tourné vis-à-vis du feu , dor-
moient d’un fommeil profond, quoique le feu fiât éteint), & que
leur dos fût couvert de givre.