D e s c r i p t i o n
frage fur les côtes du Kamtchatka, entre Kourilskaia, Lopatka &
Awatcha. Il y avoit fur ce bâtiment dix-fept hommes dequipage
& quelques marchandifes. Ces infortunés furent maflacrés par un
Officier nommé Chtinnikow; deux feulement furent épargnés &
envoyés à S. Pétersbourg, où ils eurent la fatisfaétion d’apprendre
que ce fcélérat avoit reçu le châtiment de fon crime.
cevoir un feul Kamtchadal. Pendant ce temps-lâ il furvint une tempête qui emporta leur
Vaiiïeau. Le hafard amena dans cet endroit un Officier Cofaque nommé André Chtin-
pikow : il étoit accompagné de quelques Kamtchadals. Ces infortunés Japonois furent
remplis de joie en voyant des hommes, quoiqu’ils ne pulïenr s’en faire entendre. Ils leur
témoignèrent toute forte d’amitié & de politeiïe, leur faifant des préfents d’étoffes & de ce
qu’ils a\ oient. Les Ruiles feignirent d’y répondre } mais pour les mieux tromper, Chtin-,
nikow refta deux jours campé à quelques toifes. Enfin il profita de la nuit pour fe dérober
aux Japonoisj ce qui les affligea beaucoup. Le lendemain les Japonois fe mirent dans
leur efquif, & ramerent le long des côtes pour chercher quelque habitation. Après avoir
fait environ trente werfts, ils trouvèrent leur Vaiiïeau que Chtinnikow dépeçoit avec
les Kamtchadals , pour en retirer le fer. Malgré la perte de leur bâtiment, les Japonois
continuèrent leur route. Dès que Chtinnikow les eut apperçus , il ordonna aux Kamt-
chadals de les pourfuivre & de les maflacrer. Les Japonois voyant venir le canot envoyé
à leur pourfuite, & craignant que leur perte ne fût réfolue, eurent recours aux prières
& aux foumiffions, pour tâcher de fléchir leurs ennemis j mais au-lieu de l’humanité à laquelle
ils s’attendoient, onneceiïa de lancer fur eux des fléchés. Plufieurs alors fe précipitèrent
dans l’eau, 8c les autres furent percés à coups de fléchés , ou tués de leurs
propres fabres dont ils avoient fait préfent à Chtinnikow quelques jours auparavant, pour
marque de leur foumiflïon. Leurs cadavres furent jettes à l’eau s il n’y en eut que deux à
qui on laiiïa la vie j l’un étoit un jeune enfant âgé de onze ans, appelle Gon^a ; il avolp
accompagné fon pere, qui étoit Sous-Pilote, pour apprendre la navigation j il fut bleifé
à la main : l’autre plus âgé, s’appelloit So%a \ la Chambre, du Conjmerce l’avpit choifi
pour efcorter ce VaifTeau.
Chtinnikow s’empara de leur efquif, & de tout ce qui étoit dedans , brûla leur Vaif-
feau pour en tirer le fer, & s’en retourna à l’Oftrog fupérieur avec tout ce butin. Il jouit
du fruit de fon crime jufqu’à ce qu’il fût arrivé un Commiflaire d’Iakoutsk , car il
trouva moyen de fe fouftraire aux recherches des Commis, en leur faifant préfent d’une
partie de ce qu’il avoit enlevé aux Japonois. Dès que ce nouveau Commiflaire fut inform
é de ce qui s’étoit paiFé , il fit enlever à Chtinnikow les prifonniers Japonois, fit punir
févéremeiit en leur préfence le Commis qui s’étoit laiiFé corrompre par des préfents, ordonna
qu’on mît aux fers Chtinnikow , 8c en informa fes Supérieurs. Il garda les Japonois
aux frajs de la Cpuronne, jufqu’à ce cpfil eût reçu de nouveaux ordres.
En 1730 Ivan Novogorodow, & en 1731 un Officier nomme
Michel Chekhourdin, furent envoyés au Kamtchatka pour lever les
taxes. Je parle d’eux ici, parce qu’ils furent les auteurs de la grands
révolution qui éclara immédiatement après que Chekhourdin en
fùtforti.
j Lorfqu’il quitta cette Place, il conduifif les Japonois à Kamtcbatskoi-Oftrog infeà
rieur, & les remit au Pilote Jacob Hens. Pour lui il cohtinva fa route vers Anadirsk,
& fit fon rapport au Major Pawlutski, qui étoir alors Commandant en Chef Jacob Hens
reçut ordre de faire partir les Japonois pour Iakoutsk , où ils furent envoyés en 173 j.
Ils y refterent environ cinq fentaines, entretenus aux dépens de la Couronne ; & fur un
ordre ligné d’Alexis Plefcheew, on les fit partir pour Tobolsk-, où l’on chercha par toute»
fortes de bons traitements â leur faire oublier leurs malheurs. Au bout d’un' mois environ
, ils furent envoyés à Mofcou. Les Conducteurs qu’orr leur donna , les préfen-
terenrà la Chancellerie de Sibérie , q,ui les envoya au Sénat de Saint-Pétersbourg, avée
leurs Conduéteurs. Le Sénat en fit auflr-tôt fon rapport à Sa Majefté, qui voulut les voire
On les lui préfenta dans le Palais d Eté : Elle leur fit plufieurs questions fur leur naufrage!
Le plus jeune parloir déjà allez bien la langue Ruiîïcnne. Sa Majeflé donna ordre art
Général André Ivanowitch Ouchakow de faire contfoître au Sénat que fes intentions
étoîent qu’on pourvût à leur entretien.
En 17 j4 , on les remit, par ordre de flmpératïice, d l'Aumônier du' Corp’s dès Cadets'!
pour lesinftruire dans la Religion chrétienne , & le 10 Oétobre de là même année, ils
furent baptifés dans PEglife de cette Ecole militaire. Soza fut appellé Kozma, & Gonza,
Damian. En 173 5 , Damian fut mis au Séminaire de Saint Alexandre N ew ski, oùon lui
apprit â lirè. Peu de temps après, ils furent tous deux envoyés à l’Académie pour y être
inftruits. En 173« , on donna ordre de leur apprendre la langue R ulfe, & pour faire en -
forte qu ils n’oubLiaiTènt pas la leur , on leur donna de jeunes Eleves, auxquellccils apprirent
le Japonois ; ce qu’ils ont fait jufqu'à leur mort. Kozma mourut le 1S Septembre
1 7 3 Î, dans la quarante-troifieme année de fon âge; Se Damian, dans l’année 1739 , le
r j Décembre. Le premier fut enterré'dans l’Eglife de l’Afcenfion, qui eft du côté de l’Amirauté;
Se le fécond, dans celle de Kalinka. En mémoire d’un événement fi finguliery
qui tranfporra ces deux malheureux Etrangers de fi loin en Ruflie , l’Académie voulue
qu’on fit leur Portrait, & qu’o» les tirât en plâtre. O n les voit aujourd’hui dans le Cabinet
des Curiofités,