avoient attaché du Kiprei ôc du Ioukola. Deux Kamtchadals, que
j’appellerai dans lafuite les Serviteurs, 5c qui étoientparticuliérement
deftinés pour cette Fête , prirent ces provifions, & les fufpendirent
fur les têtes qui fe trouvoient au-defliis des endroits où l’on devoit
s’afTeoir. Chaque Femme qui étoit entrée dans la Iourte, mit en-
fuite fur le foyer un peu de Tonchitche, après quoi elle s’en fut à
là place.
Une des Femmes defcendit dans la Iourte avec deux jeunes
Filles jumelles. Elle tenoit dans fes mains de l’herbe douce, Sc les
Filles avoient dans les leurs & fur la tête du Tonchitche. Cette
Femme qui avoit élevé ces deux Filles , ôta enfuite le Tonchitche
de deffus leur tête , le mit fur le foyer , & les Filles jetterent auffi
dans le feu le Tonchitche qu’elles tenoient dans leurs mains. Leur
Mere entra feule dans la Iourte.
Après cela on amena devánele foyer une vieille Femme infirme,
qui avoit, comme les autres, fur la tête& dans les mains du Ton.
chitche : elle le jettadans le feu , & fe fecoua en prononçant quelques
paroles.
Bien-tôt après deux Hommes fortirent des coins de la Iourte,
s’affirent aux côtés de l’échelle en tenant des haches 8c des morceaux
de bois. Les Serviteurs leur apportèrent, de chaque coin, du Ioukola,
& le pofant fur des morceaux de bois qu’ils tenoient à leurs mains,
ils le coupèrent en morceaux, en difant : Que le Ioukola dure longtemps
, & qu’i l ne manque point dans nos Balaganes ! Les Serviteurs
rapporterentie Ioukola à moitié coupé dans les mêmes coins,
& après en avoir rompu un petit morceau ôc l’avoir jetté dans le
feu , ils rendirent le refte à celui qui le leur avoit donné. Enfuite
ils fe mirent à manger, en s’excitant tous les deux d’un coin à l’autre
, & c’eft par-là que finit le premier jour de Fête à onze heures
du foir.
. Le lendemain de grand matin, un Homme & une Femme .de
chaque famille partirent pour aller trouver leurs amis dans les Of-
trogs voifins, afin de ramaffer des provifions pour la Fête , car
quoiqu’ils en ayent fuffifamment, c’eft la coutume d’en recoeuil-
lir pendant ce temps chez leurs voifins, de même que chez nous on
va chercher des oeufs pour les poules que l’on veut faire couver.
Ils revinrent à l’habitation fur le foir , ôc la Femme après avoir
chauffé la Iourte, iè mit à préparer le manger , à piler des baies ôc
des racines : ces préparatifs durèrent prefque toute la nuit. Cependant
on avoit foin que lé feu ne s’éteignît point fur le foyer ,
avant que les mets fufTent apprêtés ; car le laifler éteindre, ce Ce-
roit, félon eux, commettre une grande faute.
Ils fermèrent la lourte deux heures avant le jour, immédiatement
après avoir préparé le repas ; & les Femmes s’occupèrent jufqu’au
point du jour à faire des cordes d’herbes , à envelopper les têtes
de poifTons de Tonchitche , à mettre fur leur cou des efpeces de
petites guirlandes d’herbes ; ôc elles prononçoient des paroles
qu’on n’entendoit pas. Cette cérémonie achevée, les Serviteurs
commencèrent à ramaffer les têtes des poifTons qui étoient enveloppées
de Tonchitche, pour en faire des offrandes au feu : ils
les mirent fur le foyer, & chaque fois qu’ils pofoient une tête , ils
s’afféyoient fur l’échelle , proche d’un grand tronc d’arbre ou billot.
Après cela tous ceux des deux fexes qui étoient dans la Iourte , depuis
le plus grand jufqu’au plus petit, arracherent& jetterent les guirlandes
de Tonchitche qui étoient fur eux, & s’approchèrent du foyer.
Quelques familles ayant enfuite arrangé en forme de cercle lés cordes
de cette herbe, paiferent à travers les cercles, ôc les mirent
fur le foyer ; c’eft ce qui eft regardé chez eux comme la purification
des fautes.
Immédiatement après cette purification, un Vieillard s’approcha
du foyer , & ayant prononcé quelques paroles fur les herbes ôc le
Tonchitche qui avoient été jettes fur le foyer, il fe mit à en faire
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