armées (1), avait été jadis labourée par les colons
orpélians, et aujourd’hui des colons allemands
et suisses, déchiraient ce même sol qui
leur avait été donné à leur tour par les maîtres
de la Géorgie. Je les voyais dans leur costume
national, se livrer, sur ces laves couvertes de
champs magnifiques, d’orge et de froment, à
leurs pénibles travaux, et à côté, j ’avais en perspective
le chateau des colons de la Chine, ruiné,
desert. Il ne faut pas beaucoup de réflexion
pour saisir les leçons que laissent après eux les
grands tableaux de ce genre.
Je reviens a la description du paysage de
Chamchouïldé, que j ’ai fait dessiner dans mon
atlas.
La muraille de lave, dans sa hauteur, présente
une série multiple de couches tiraillées,
qui changent de couleur et de nature d’étage en
étage; elles varient du gris au noir.
Il est facile de s’apercevoir qu’un pareil entassement
n’a pas été produit par une seule
éruption volcanique ; mais qu’au contraire, pendant
un laps de temps indéfini, des torrents de
lave venant du nord-ouest, se sont épanchés les
(1) C’est sur cette plaine de Darbas, que Ivané Orpé-
lian forma sa coalition contre George III ; c’est ici en face
de Chamchouïldé que l’armée de la coalition se rassembla.
Etienne Orpélian, dans Saint M artin, II, 87.
uns sur les autres. Ces coulées n'ont pas débordé
de leur cratère sans de violentes commotions,
sans déchirements qui les ont disloquées et qui
ont produit les immenses fentes que j ’ai indiquées.
De pareils accidents ont causé ces tiraillements
, ces renflements qui se remarquent
dans chaque coulée, et qui forment même les
bourrelets qui en sillonnent les surfaces. Les
coulées de lave pure sont séparées par quelques
lits de cendres et de scories.
Une végétation formée de hêtres, de charmes
et de chênes a cherché à envahir cette lugubre
paroi ; mais ce n'est que par lambeaux qu’elle a
pu en masquer la tristesse et l’escarpement.
Tandis que sur le sommet de la coulée s’étale
le château de Chamchouïldé, dont les ruines se
groupent sur l’un des massifs les plus abruptes
de la muraille de lave, quelques terrasses soutenues
par de gros blocs, marquent les anciens
jardins; la tour de l’angle est dans le style pyramidal
des édifices de ce genre en Colchide.
Les constructions sont en gros quartiers de roches
, et les arbres qui ont envahi les toits et les
cours, indiquent assez leur long abandon. Les
trésors des Orpélians n’y sont plus.
Deux églises dont les voûtes sont enfoncées,
bordent le paysage à droite; la plus grande, que
j’ai examinée longtemps avec ma lunette, est