eux. Le reste du peuple de Djoulfa passa comme
il put; beaucoup se noyèrent dans l’Araxe.
Après quoi Chah-Abbas renvoya Thamas-Kouli-
beg pour détruire les murailles et mettre le feu
a la ville avec des roseaux enduits de goudron,
afin d’ôler toute espérance de retour à ses habitants
qui voyaient l’incendie de l’autre rive.
Ensuite il se retira à Tauris, se faisant suivre
par ses prisonniers. L’année suivante (1606), il
distribua les plus riches dans les villes , les
paysans dans les villages. Les Arméniens qui
furent transportés à Ispahan, se montaient à
12,000 familles (5o,ooo âmes) sans compter la
foule de ceux qui périrent par les chemins. Ils
fondèrent là un nouveau faubourg , le nouveau
Djoulfa, qui s’est considérablement accru et
enrichi.
Chah-Abbas commanda spécialement à Hanci-
dan de chercher les fugitifs qui s’étaient cachés
dans des grottes ou dans des forteresses de l’intérieur
des montagnes; on en retrouva beaucoup.
Le grand roi voulait, à la lettre, ne laisser
aux Turcs qu’un désert.
Chah-Abbas s’attacha Lazare (Nadsar), fils de
Manouk, et le nomma chef de la monnaie et
grand trésorier de l’empire. Sous Chah-Nadir
(Thamas-Kouli-Khan) ,Kodjia Nadzar, petit-fils de
Manouk, remplissait les fonctions importantes
de kélonter, c’est-à-dire de chef et juge de
Nor-Djoulfa ; il fit bâtir les deux caravansérails
que j ’ai mentionnés plus haut, en faveur des négociants
de sa nation : sa mort l’empêcha de les
terminer. Il y avait dépensé une somme de plus
de 100,000 écus. Lors de la mort de Chah-
Nadir , un autre Lazare fuyant, ainsi qu’un
grand nombre de ses coréligionnaires , les horreurs
de l’anarchie auxquelles la Perse était en
proie, se sauva en Russie , emportant avec lui un
riche trésor en argent et en pierreries, et entre
autres ce fameux diamant qui orne le sceptre
impérial, et que Catherine II acheta au fils de
Lazare LazarefF pour 5oo,ooo roubles en papier
( 55o,000 fr.) (1).
Mais revenons à notre champ des morts et
disons encore qu’il a plus d’un verst et demi de
long, et qu’il n’était séparé que par un étroit espace
de la seconde forteresse qui défendait
Djoulfa. Sur la rive opposée de l’Araxe, vous
apercevez les ruines d’un second caravansérail
aussi grand que le premier, et, dans l’Araxe, les
traces de plusieurs anciens ponts en pierre dont
il ne reste que les culées.... et voilà Djoulfa! !
Je logeai chez le chef du hameau actuel, Mélikh
Artoun, fils de Mélikh Stépanof. Ce nom de
Mélikh est celui qu’on donne dans tout le pays
( 1) Magazin für die Literatur des Auslandes. Berlin
i836.
IV . f