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protéger. Il me fallut attendre qu’on eût laissé
reposer les chevaux qui l’avaient amené, et je ne
partis qu’à la nuit de cette fâcheuse station.
Mais les chevaux qu’on avait repus d’orge
pour la course rapide du colonel, et auxquels
on en avait donné de nouveau, avant de lés atteler
à ma voiture, prirent trois fois le mors aux
dents pendant la route. La dernière fois ce fut
sur la vaste place, alors déserte, du bazar d’Eli-
sabethpol, où nous risquâmes d’être fracassés
en mille pièces contre les appentis des boutiques
qui se dessinaient sous toutes sortes de formes
bizarres au clair de la lune. A l’extrémité de la
place, pour nous rendre à l’auberge allemande,
nous devions passer par l’ancienne porte du
bazar intérieur et tourner à angle'droit. Emportés
comme nous l’étions, risquer le passage,
c’était nous exposer à une mort certaine et à
être brisés contre les murailles... Mon postillon,
dans cette perplexité, eut la bonne idée de
guider ses chevaux contre le Gandja-tchaï : arrivés
au bas du talus, à l’aspect de la rivière, ils
s’arrêtèrent tout à coup.
Elisabethpol ou Gandja.
Elisabethpol embrasse dans sa vaste enceinte,
qui n’a pas moins de 17 verst (4 lieues) de tour,
trois vastes quartiers qui s’étendent sur les deux
rives de la Gandja-tchaï , ayant dans ce sens
6 verst de long, sur une largeur de 4 verst.
Le plus grand de ces quartiers est celui de
Kïlissa-Kent (village de l’église), habité en majeure
partie par des Arméniens , et situé sur la
rive droite de la Gandja.
Sur la rive gauche de la rivière, en facp de
Kilissa-Kent, est le quartier de Gandja, proprement
d it, habité par des Tatares, à l’exception
de la partie la plus nouvelle, à laquelle on a
donné le nom de Norachène ( nouvelle ville) et
qui est occupée par des Arméniens.
Ces deux quartiers sont entourés en commun
d’une muraille en terre glaise, fortifiée de tpurs
de distance en distance.
Le troisième quartier, celui de Bagmanlar
(les jardins), est hors de cette enceinte , sur la
rive gauche de la rivière , en remontant le courant.
Il n’est habité que par des Tatares.
La forteresse de Gandja, située sur le point le
plus éminent de la rive gauche, a été construite
par quelque ingénieur européen. Elle est dé-'
fendue par six bastions et embrasse une étendue
de plus d’un verst carré de surface. Les bastions
et les Courtines sont en pierre. Lè khan y
avait sa principale résidence.
La population de toute la ville , répartie dans
2,515 maisons, peut se monter à 16,200 habi