au pied de ces tours carrées qui en commandent
l’abord des deux côtés.
Lorsqu’on veut entrer dans la ville, on remonte
la vallée de l’Araxe ; les rochers sanguinolents
qui le bordent commencent ici (1) :
chaque saillie, chaque assise du rocher tant soit
peu accessible est hérissée des murailles d’un
château qui défendait l’entrée de la vallée. Un
mur qui part du fort et qui s’étend jusqu’à l’A-
îaxe la ferme encore plus etroiteraent. Mais plus
de fiers soldats, plus de sentinelles aux portes ;
je ne vis qu’une jolie jacinthe bleue qui fleurissait
à l’abri des rochers, et des hélices de Djoulfa (2)
qui se tramaient sur des touffes de marjolaine.
Devant la porte même, un pic isolé de rocher
s’était trouvé assez large pour établir à son sommet
un monastère en l’honneur de la sainte
Vierge : l’église est encore là ; les morts dont
les riches tombes couvrent les pentes du rocher
y sont aussi ; mais les vivants , où sont-ils ?
Nous entrons dans la ville : entre la muraille
à pic de rochers et l’Araxe, il y a un espace de
(1). Voyez atlas, IIe série, pl. 37. Une vue de Djoulfa
prise de la colline de la Sainte-Vierge, en face de la porte
de la ville.
(2) Hélix Djulfensis (mihi) tessa depressa, imperforata,
striata, alla; spira sub-prominula, obtusissima; labro
margine columellari umbilicum latè tegente, externo sub-
reflexo.
quelques centaines de pas où gisent çà et là d’énormes
blocs qui se sont écroulés des pentes voisines.
Y reconnaissez-vous Djoulfa ? Tenez, voilà
son bazar au bord de l’Araxe et quelques-unes de
ses églises au pied du rocher. Celle qui est là
sur un tertre était, dit-on, Catholique, et c’est
devant le seuil de sa porte qu’on a enseveli, sous
une belle tombe de marbre blanc, le riche
Khatchababa , le plus puissant des habitants de
Djoulfa, sous le règne de Chah Khodabendeh
qui, dit-on, le fit mettre à mort. Voici ce que
sa tombe nous dit dans une double inscription
en superbes lettres arméniennes. Vous lisez d’un
côté :
« Cette tombe est en mémoire de l’âme du
« seigneur (Parounè, arm.) Khatchababa, in-
« nocemment livré entre les mains des infidèles.
« Je prie celui qui lira cette inscription, de se
« rappeler .mon âme dans ses prières. » De l’autre
côté :
« Je vous supplie encore une fois, souvenez-
« vous de moi dans vos saintes prières, afin qu’on
« ne vous oublie pas devant l’agneau de Dieu.
« Décédé l’an 1 o3o de l’ère arménienne. ( i 58i de
« J.-C.) Notre père, etc. » (C’est la priere qu’il
demande qu’on récite pour lui.)
Sur les deux rives de l’Araxe s’élèvent, en face
l’un de l’autre, deux vastes caravansérais , bâtis
en pierre de taille, et qui n’ont jamais été ter