Hélénendorf, vendredi i 3 avril.
Hèlênendorf est à 10 verst de Gandja ou Elisabethpol
au sud, au pied du Sarial, qui fait face
au Gandjadagh, à l’ouest, deux montagnes séparées
par la Gandjatchaï, qui passe par Gandja.
J’étais très-curieux de voir cette nouvelle colonie.
Pour m’y rendre, je traversai d’abord la
Gandjatchaï, puis la ville arménienne, ou quartier
de Kilissa-Kent, qui a près de 2 verst de
long. La grandeur, l’immense étendue de la
ville provient, comme je l’ai dit, non du nombre
des maisons, mais de la multitude des
jardins dont chaque maison est entourée. La
grande rue de cette ville ressemble beaucoup aux
chemins étroits, resserrés entre deux hauts murs,
qui traversent nos vignobles. En la parcourant,
on ne voit que de vilaines portes dégradées à
droite et à gauche. Pas une maison remarquable.
Au-dessus de ces hautes murailles de
glaise, de briques et de cailloux roulés, s’avancent
les branches des noyers et des figuiers qui ornent
les jardins. Lin petit ruisseau, où les femmes
voilées viennent puiser l’eau du ménage, prend
près du tiers de la largeur de la rue , et rafraîchit
le pied de superbes platanes ou tchinars,
des saules et autres arbres qui sont semés çà et
là le long de la rue.
Ces arbres, d’une beauté surprenante, sont ce
qu’il y a dé mieux à Elisabethpol. La plupart de
ces tchinars ( Platanus orientalis) ont vu plusieurs
siècles passer sur leur cime , et leurs
fleurs, pendant au milieu des feuilles et à moitié
épanouies, réjouissent la vue fatiguée par la
longueur des steppes desséchées du Karabagh.
Mais Elisabethpol n’est beau, n’est habitable
qu’en hiver et au printemps ; la saison chaude y
est mortelle. La chaleur y est étouffante (1) en
juillet ët août ; elle devient insupportablé par
suite des exhalaisons de tous ces jardins qu’on
arrose comme à Erivan.
D’ailleurs , une partie de cette enceinte est
abandonnée, et présente des espaces assez considérables
qui pourrissent comme les ruines de
Soukoum-Kalé et d’Erivan (2).
Cette chaleur empestée force une partie des
habitants à se sauver dans les montagnes, et
commandant, garnison, hôpital, etc., vont
(1) Dans la publication anonyme du sud du Caucase,
en russe, on trouve des observations faites à Gandja, en
i8 2 çj,3 o et3 i, d’après le thermomètre de Réaumur; mais
on n’a observé qu’au soleil. En-juillet et en août 1829, il
a monté jusqu’à 46°, en i 83o dé 38 à 46°, et en 18 3 é de
32 à 44°- Voy. t. II, p. 329.
(2) Voyez plus haut, 1.1, p. 28a.