nous refuser. Pour nous, nous en étions quittes
pour ne pas aller sur le Béchetau ; mais quelques
personnes de la société des baigneurs, outrées de
l’indignité qu’on nous faisait, allèrent chez M. le
sous-lieutenant, et lui expliquèrent si bien qu’il
risquait beaucoup en nous désobligeant, qu’il se
décida à remplir son devoir j le lendemain
matin nous eûmes notre escorte prête.
J’aurais pu passer sous silence cet événement,
et je n en aurais pas même parlé au général, si
celui-ci n’en eût été informé indirectement, et
nécessité fut de lui dire toute la vérité. J’ai cru
de mon devoir de le faire, afin qu’il n’arrive pas
a quelque autre voyageur de ne pouvoir jouir
de la protection généreuse que le gouvernement
lui aurait accordée. Et si M. Tatarenko lit ces
lignes , il verra que si j ’ai su exprimer vivement
ma reconnaissance pour ceux qui m’ont tendu
la main, une justice fait aussi connaître tôt ou
tard le nom de ceux qui remplissent si mal la
mission que l’autorité leur confie.
Le bas-fond que nous traversâmes est couvert
d’une belle végétation de hêtres, de charmes,
de chênes, d’érables tatares, etc. Tous les arbres
et arbustes qui croissent ici appartiennent
à l’Europe tempérée.
Avant d’arriver au petit vallon qui pénètre
dans le coeur même du Béchetau, nous cheminâmes
à travers de belles prairies, partie de
celles où l’on nourrissait jadis des chevaux célèbres
qui ont fait donner au Béchetau le nom
de montagnes des chevaux, comme l’appelle
Ptolémée. i
Notre ascension, par le vallon, jusqu’au col
qui sépare le grand cône d’avec le cone boisé
que j ’ai indiqué, ne fut point pénible.
De là , on arrive assez facilement, même à
cheval, jusque sur la sommité du grand cône
pointu et gazonné; car ce cône, dans sa plus
grande largeur, a deux arêtes cachées sous
l’herbe, pt l’une d’elles sert de sentier.
Ces arêtes proviennent de ce que le trachyte
qui compose le Béchetau, est ici dressé sur sa
tête, présentant des plaques assez régulières, qui
sont visibles à l’extrémité méridionale du pic, où
le gazon ne les a pas recouvertes.
J’avais laissé ma monture au bas du cône avec
une partie de notre escorte, qui devait faire
sentinelle pendant notre escalade. Je voulais
être libre d’explorer à mon gré le pourtour du
cône. Mais je n’avais pas réfléchi que quand on
a quitté le lit et la fièvre depuis trois jours, l’on
n’a pas encore recouvré toutes ses forces. Aussi
ne puis-je me rappeler d’avoir jamais eu autant
de peine que ce jour-là, pour gravir une si petite
sommité. J’avais honte d’appeler les Cosaques
pour me traîner, et ce fut à force de m’attacher
aux touffes de gazon que j’arrivai jusqu’à la plate