la colonie militaire, où je trouvai chez un bas officier
une espèce de chambre avec un bois-de-lit,
qu’on loue aux baigneurs pendant la saison. La
saison n’était pas assez avancée pour qu’on eut
récolté ni paille ni foin, et il ne me fut pas possible
d’obtenir quoi que ce soit pour étendre au
fond de mon dur grabat, à moins de défaire le
toit de chaume.
Elle fut longue cette nuit où, combattant d’abord
contre le frisson glacial, puis contre la
chaleur suffocante du paroxisme, je passai toute
cette crise, étendu sur des planches. Heureusement
je venais d’essayer des lits de Géorgie et
d’Iméreth et je n’étais pas gâté.
Le lendemain, me sentant mieux, après une
bonne potion de quinine, je résolus de continuer
ma route pour Akhandoukof et Djougouté.
Nous allâmes rejoindre le lit du Podkoumok,
et nous en remontâmes la rive droite pendant
plusieurs heures , jusqu’au pied d’un immense
rocher isolé qui se dessine de loin très-pittoresquement
sur cette même rive. A le voir,
on ne peut douter que l’homme n’ait mis son
cachet à cette création de la nature. En effet, ce
rocher de grès vert, de même nature que celui
de Kislavodsk, portait sur sa large plate-forme
le château-fort de Bargoustan, dont j’ai fait la
description dans le 1er volume de mon Voyage,
lorsque je décrivais l’ancienne grand’roule qui
liait les steppes du nord du Caucase avec la fertile
Abkhasie, et Dioscourias, par les cols du
Maroukh et les vallons du Tsébelda, aux sources
de la Kodor (1) .
Les flancs perpendiculaires du rocher de Bargoustan
m’ont paru en entier l’ouvrage de la nature
et rappellent plusieurs localités de ce genre
en Crimée, où on leur donne le nom de K e r -
man, qu’on peut traduire par rocher-forteresse.
Tels sont les Tépékerman, Inkerman, Tcherkesr
kerman , etc.
Le rocher, de forme allongée, mesurait près
d’un verst de long, et sur cette longueur il n’offrait
que deux points accessibles; l’un du côté du
nord, vers le Podkoumok, l’autre au midi, en
venant de l’immense plateau incliné dans lequel
sont entaillés les vallées et les cours des rivières.
La principale entrée, celle du Podkoumok,
dont la vallée était remplie par une ville qu’indiquaient
de nombreux tas de pierres et de ruines
, était pratiquée dans une fente fermée par
une porte. On y arrivait par des degrés taillés
dans le roc.
Une fois surle plateau, je trouvai dabord un
terrain plat dont la composition décèle les habitudes
des hommes, des décombres, des cendres,
(1) Voy. t. I, p. 324- Là sont aussi les variantes sur la
manière d’écrire le nom de Bargoustan.