le titre de kazibeg, kazbck que leur avaient
donné les rois de Géorgie, suzerains de cette
vallée.
L’avant-dernier kasbek (t) fut fait général
sous la domination des Russes, ayant servi en
brave dans leur armée. Il avait épousé une Cir-
cassienne de la Kabarda, dont il eut trois enfants,
deux filles et un fils que j’ai vu officier à
Tiflis, sous les ordres du baron Rosen. Sa passion
était la chasse du touri, à laquelle il invitait
ses amis chaque fois qu’il pouvait venir passer
quelque temps dans son village de Kasbek.
Sa mère , madame la générale , a fait bâtir
une belle église en pierres , en face de son
habitation, vers le Térek ; elle est en schiste
noir.
Les voyageurs qui passent par Kasbek ont
l’habitude d’y acheter des cornes de touri, c’est
pourquoi elles y sont devenues rares et très-
chères. On nous en offrit deux paires, mais
comme j ’en avais de plus belles, je ne voulus
pas les acheter.
Je remarquai qu’elles étaient fort mutilées,
l’extrémité de l’une était brisée, et dans toutes
les autres les noeuds, qui forment autant de
bourrelets sur le devant de la corne, étaient fracturés,
déchirés en esquilles ou éclatés , comme
si elles avaient reçu de violents chocs de pierres
ou d’autres matières dures.
Ces esquilles et ces éclats se remarquent toujours
plus ou moins sur toutes les cornes de
touri, mais principalement sur celles des vallées
rocailleuses et escarpées de la vallée du Térek.
Ceci confirme pleinement les récits des chasseurs
que j ’ai entendus et qui m’ont assuré que
le touri, poursuivi et arrêté par un rocher, s’élancait
d’une hauteur de 10 à 20 pieds, et retombait
sur ses cornes , sans se faire d’autre mal
que celui de les esquiller.
Cela paraîtra incroyable (1) ; mais voici une
autre observation qui viendra à l’appui de ce
fait, et qui prouvera que la nature, en crëànt
le touri, l’avait préparé à de pareils sauts.
La disposition de ses cornes diffère de celle
qu’on voit chez les autres espèces de chèvres et
de bouquetins. Les cornes de celles-ci sont plantées
droites ou à peu près, sur les deux proéminences
du crâne, tandis que dans le touri
celte disposition est oblique, avec la base dirigée
en avant. Les cornes, ainsi implantées sur les
cotés du front, font saillie , et recourbées dans
une direction horizontale, elles semblent vouloir
protéger le front et les yeux, qui sont à
(t) Voyez Gamba , Voyage dans la Russie méridionale,
t. I, p. 287.