gourmande, préparer comme le font les Asiatiques.
La principale richesse de notre mélikh consistait
en vignes et en mûriers qu’on tient très-
bas et a mi-hauteur d’homme j on coupe les pousses
et meme les branches entières pour nourrir
les vers a soie sans se donner la peine de cueillir
les feuilles. Quand un mûrier, qui ressemble à
un petit saule en été, a été dépouillé, on lui voit
pousser de nouveaux jets pendant un ou deux
ans 5 on en fait des plantations serrées comme
des pépinières. Des femmes sont chargées du
soin des vers a soie, et le dévidage s’efiectue au
bord du ruisseau, a l’ombre de gros noyers, sous
lesquels on a placé un grand nombre de petits
foyers grossièrement construits pour chauffer
l’eau dans laquelle on plonge les cocons.
Depuis une longue suite de siècles, rien n’avait
changé dans Nougadi ; notre hôte nous assurait
que peut-être depuis un millier d’années,
sa famille occupait et possédait ce village ÿ il y
avait sans doute de l’exagération dans cette assertion
; mais qui viendrait porter la guerre dans
ces contrées, si bien défendues par la nature ?
D’ailleurs, les histoires de l’Arménie viennent à
l’appui du discours de ce chef. J’étais au centre
du Sioumk ou Sisagan (1), l’une des parties prin-
(i) Saint-Martin, I, 209.
cipales de cette contrée antique à laquelle, jusqu’aux
temps les plus modernes, les auteurs
orientaux ont donné le nom d'Aran et Arhan
(le Karabagh actuel). Les Arabes l’appellent
Ran, les Géorgiens Rani, les Persans Aranich
et Aran. C’est VAram ou Iran de l’antiquité,
VAériano des livrés zends, toujours compris
dans l’Eériéméno (l’Arménie ou le grand Iran).
C’est ce même Aériano vaedja, l’Iran pur du
Vendidad, lé premier lieu créé sur la terre et le
premier habité, tradition qui s’accorde d’une
manière merveilleuse avec les traditions bibliques
et arméniennes. C’est dans cette contrée
qu’avaient habité les anciens rois de Perse, et
Héômô, antique législateur qui vécut bien longtemps
avant Zoroastre (1). Or, lorsque le prince
arsacide Vagharschag monta sur le trône d’Arménie
au milieu du deuxième siècle avant J.-C.,
il forma du Sisagan une grande principauté, qui
fut gouvernée jusqu’à la fin du onzième siècle
par une race puissante de princes soumis aux rois
d’Arménie ; ils prenaient le nom de Hdigazni
(descendants de Haïg, le pere des Arméniens) j
ils demeurèrent indépendants et combattirent
souvent avec succès contre les khalifes. Après le
onzième siècle, l’histoire fai t à peine quelque
(1) Saint-Martin, I, 271, Zend-Avesta j t. I, part. 2,
p. 429> et p. 263, 264 et a65.