mais comment toucher a un objet si vénéré sans
etre lapide et sans attirer la malédiction des
habitants sur moi et sur les Russes qui ne sont
pas très-aimés. Cette pierre est arrondie comme
un caillou et a un pied et demi de long sur un
pied de large et 6 ou 7 pouces d’épaisseur.
Djoulfa, ses ruines et son histoire.
A partir de la ville, nous decendimes, l’espace
d’un verst et demi, jusqu’à laNakhtchêvan-tchdl,
que nous traversâmes a gué à côté d’un vieux
pont ruiné. Cette rivière alimente les canaux de
la ville. Derrière, commence une ramification de
la plaine d’Arménie qui a 20 verst de large jus-
qu’a l’endroit où l’on atteint les premières roches
d’un grès bariolé de jaune et de rouge, tantôt
fin, tantôt grossier. Ici nous trouvâmes VAlind-
ja-tchaï (1) qui coule entre de hauts rochers de
ce grès jusqu’à son confluent avec l’Araxe, où
nous atteignîmes Djoulfa (2). Et ce ne fut pas
sans peine; car n’ayant que le lit de l’Alindja
pour chemin, obligés de la passer et repasser
pour trouver un sentier, tantôt sur une rive,
(1) Tchaï signifie eau, riviève.
(2) Les Arméniens n’ont pas de l et substituent ordinairem
ent un g à cette consonne ; ils écrivent Djouga ou
Tchouga. Ainsi Lazar n’est pas arménien; mais Gazar ou
Nazar.
tantôt sur l’autre, nous courions grand risque de
nous noyer dans ses eaux rapides, gonflées par
la fonte des neiges. Pendant le reste de l’année,
on ne court aucun danger.
Les couches du grès sont un peu inclinées
vers le nord. Les couleurs dominantes sont le
rouge de tuile ou de sang, quelquefois le jaune ,
soit en couches, soit par hachures. Le grès renferme
des débris .de toutes sortes de roches
cristallisées et de calcaire noir, liés par un ciment
rouge plus ou moins compacte. Le Ta-
roudagh, qui remplit l’angle occidental du
confluent de l’Alindja-tchaï et de l’Araxe, est
célèbre par ses carrières de pierres meulières
qu’on vend sous le nom de pierres de Nakhtchévan.
L’Araxe est ici, comme l’Alindja-tchaï, encaissé,
l’espace de plusieurs verst, par ces rochers
dont les parois, bizarrement rongées en forme de
pics et d’aiguilles ruinées, couronnent ses rives
en y reflétant leurs teintes sanguinolentes. C’est
là qu’est Djoulfa. Les anciennes histoires arméniennes
en font déjà mention dans les siècles les
plus reculés, et la citent dans le nombre des
villes et des bourgs que Tigrane Ier (Dikran) assigna
pour patrimoine aux parents d'Ajdahag
(Astyages) : voici comment elles racontent cet
événement (1).
( 1) Je dois à la complaisance de M. le docteur Peter