Tigrane Tr, roi d’Arménie, s’était allié à Cy-
rus, qu’il protégeait contre Astyâges. Celui-ci,
voyant les dispositions de Tigrane, usa de ruse,
et pour faire sa paix avec lui, il lui demanda sa
soeur Digranouhi en mariage. Tigrane la lui accorda.
Astyages la traita avec beaucoup de distinction,
lui donna le premier rang parmi ses
femmes; puis, cherchant à la faire entrer dans
ses projets, il lui représenta le danger qui les
menaçait tous deux, et il la sollicita d’écrire à
son frère une invitation de venir la voir, pour
quil put s’emparer de lui. Digranouhi, qui aimait
son frère plus que son mari, n’en fit rien;
bien plus, elle donna avis a son frère de la
trame, et Tigrane, comme s’il n’en savait rien,
s étant avancé à la rencontre d’Astyages, quand
ils furent en présence, au heu de se livrer imprudemment
à son beau-frère, il tomba sur lui,
le battit complètement et le tua de sa propre
main. Digranouhi, qui s’était sauvée chez son
frere avant le combat, eut pour apanage Digra-
nakert (Tigranocerte), que Tigrane bâtit pour
elle. Quant à Anouiche, à ses enfants et aux autres
femmes d’Astyages, Tigrane les établit avec
man d avoir pu, au moyen de son érudition arménienne,
consulter Moyse de Chorène et les autres auteurs arméniens
dans les originaux. Voyez Moyse de Chor., édit. de
Venise, 1837, c. 3o,p. i 23.
10,000 prisonniers à l’est du mont Ararat (1),
sur les bords de l’Araxe. Djoulfa (Tchouga) fit
partie de leur patrimoine. Les descendants d’Astyages
et de ses parents prirent alors le nom
arménien de Kichabad 'sounte (descendants du
dragon), du nom persan d'Ajdahag, qui signifie
dragon. Voilà pourquoi les mythes disent
que Tigrane a combattu contre les dragons.
Djoulfa, à la portée d’un des gués les plus commodes
de l’Araxe, s’augmenta considérablemen t.
L’industrie arménienne s’y concentra, et le commerce
l’enrichit plus qu’aucune ville de l’Arménie,
jusqu’à ce qu’en i 6o5 elle fut tout à coup
rayée du nombre des demeures des hommes.
Cependant une ville de 4*frOOO habitants devait
avoir laissé quelques traces de son existence. Effectivement,
il en reste assez pour qu’en voyant
tant de débris d’une riche industrie et partout
le silence de la mort, le coeur se serre à la vue
de ces étranges révolutions que le caprice d’un
despote peut opérer.
On arrive au bord de l’Araxe gonflé et troublé
par la fonte des neiges. Vous ne passez plus sur
le pont dont les voûtes des arches se sont écroulées
dans le fleuve. La garde ne vous arrête pas
( 1) De toute antiquité, les Arméniens lui ont donné le
nom de Masis ; les Persans l’appellent aussi Agherh-Dagli.
Voy. S.-Max-tin, I, p, 48.