Èn traitant des ressources de Tiflis, j ’ai déjà
dit quelques mots du vin de Cakheth, qui est
certainement l’un des meilleurs du Caucase.
Mais sa qualité dépend beaucoup des soins qu’on
lui donne lors de sa fabrication. Les propriétaires
entendus, qui sont sortis de la routine
géorgienne, sont parvenus à obtenir des choix
qui peuvent rivaliser avec nos bons vins de
Bourgogne. On dit généralement que les vins de
Cakheth n’ont pas de bouquet : cela est facile à
comprendre ; il est étouffé sous l’odeur de la
naphte dont on enduit l’intérieur des outres. Il
n’en est pas de même quand on le boit puisé
dans une koupchine fraîchement ouverte. Mis
ainsi en bouteilles, il conserve pendant plusieurs
années un bouquet délicieux.
Les koupchines de Cakheth sont les plus
grandes des pays caucasiens ; M. Parrot qui
décrit la manière de les fabriquer, les a vu modeler
à un seul jet ; j ’ai observé le contraire autre
part.
Selon ce savant professeur, le potier qui veut
fabriquer dé pareils vases de 7 pieds de haut et
de 4 de large, mesure commune, et ne leur
donner qu’une épaisseur d’un demi-pouee, prépare
très-soigneusement sa terre, qu’il lave,
étend ensuite sur une surface plane et hache
soigneusement avec une épée de bois, pour lui
donner toute l’homogénéité possible. Le potier
modèle alors, sur un petit banc très-bas, le
pied du vase, à la main et sans faire usage
du tour ; il en élève les flancs autant que lui
permet la mollesse de l’argile; il s’arrête alors et
recouvre les bords du vase de feuilles fraîches ;
pendant que son ébauche se sèche et se conso-
solide, il va travailler à 7 ou 8 autres vases qu’il
commence à la fois ; quand il croit que son ouvrage
est assez sec, il revient au premier, enlever
les feuilles qui ont servi à conserver le bord
frais ; il pince tout le tour du bord avec les
doigts , le marque d’incisions, dans lesquelles il
assujétitle nouvel étage qu’il va élever au-dessus,
en tenant sous le bras un long rouleau de glaise.
Il a soin de tourner en sens inverse des incisions
, pour unir plus intimement la nouvelle
argile avec l’ancienne. Ce nouvel étage monte
de 7 à 8 pouces, et le potier le recouvre de
feuilles quand il menace de fléchir. C’est ainsi
que, reprenant son ouvrage à plusieurs reprises,
l’artiste parvient à l’achever. Quand le vase est
déjà trop haut pour lui, il se sert d’un banc, et
comme le pied du vase est très-étroit, il l’étaie
au fur et a mesure qu’il sèche, par des pierres
ou par des morceaux de bois.
La cuisson de ces vases qu’on ne vernisse pas,
se fait deux à deux, dans de grands fours murés
dans la terre, sans autres procédés que les
moyens ordinaires joints à beaucoup d’adresse.
IV.