Les Tatares n’obéirent qu’à regret à Nadir-
Chah et profitèrent de la première occasion ( ce
fut la mort du chah) pour retourner dans le Ka-
rabagh, ayant à leur tête un Turkoman du Ko-
rasan, de la race des Djavanchir, nommé
Pana-Khan.
Dans ce temps, le Karabagh était précisément
en butte aux incursions et aux persécutions
d’un certain Hadji Tchélébi, khan de Chaki,
Arménien qui s’était fait musulman sunnite, et
qui se montrait ennemi juré de la foi chrétienne.
Ses cruautés avaient engagé beaucoup de chrétiens
de ses Etats à se sauver dans le Karabagh
ou dans le Caucase. Hadji-Tchélébi conçut l’idée
de les poursuivre dans leurs nouvelles retraites,
et surtout de ruiner les méliks (1) du Karabagh
qui les avaient protégés. Les méliks, se sentant
trop faibles, heureux de voir arriver les Tatares,
choisirent leur chef pour khan, déclarant
que le pays était sous la domination musulmane.
Pana-Khan, qui ne voulait pas se contenter d’un
vain titre, fit tant, par ses intrigues, qu’il mit la
désunion entre les méliks, et qu’il exerça sur
eux un pouvoir absolu.
Pana-Khan établit d’abord sa résidence à
( i) Je prends ce nom dans son acception arménienne de
chef de village, ou dans celle que lui donne la Bible, en
parlant des mclchs ou rois du pays de Chanaan.
Baïat, près des ruines de Berda, puis à Chack-
Boulak, château et lieu de plaisance, renouvelé
par Nadir-Chah ; enfin il se retira en dernier
lieu, en 1789, à Choucha, forteresse qu’il avait
bâtie sur un terrain qui appartenait à son beaupère
Chah-Nazar.
Les troubles sans cesse renaissants dans ces
contrées, au sujet de la domination de la Perse,
l’avaient forcé à se choisir un refuge où il fût en
sûreté.
Pana-Khan mourut en 1790 : son fils Ibrahim
lui succéda.
En 1794? l’eunuque Agha-Mahomed-Khan,
chah de Perse, exerçant ses fureurs et ses vengeances,
vint aussi assiéger Ibrahim dans Choucha.
N’ayant pu réussir à prendre la ville , il fit
ravager le pays et détruire toutes les récoltes
prêtes à être moissonnées. La Géorgie ¡subit ensuite
les mêmes horreurs qui furent à leur
comble, quand le chah eut pris Tiflis, l’eut mise
au pillage et entièrement détruite. En revenant
de cette horrible campagne, en 1 7y5 ,
Agha-Mahomed crut que le moment était venu
de prendre Choucha; il l’assiégea une seconde
fois, mais en vain; pour continuer néanmoins la
ruine du Karabagh , il empêcha partout de faire
les semailles et commanda, pour l’année suivante,
(1796) aux khans de Khoï, d’Erivan et de Nakh-
tchévan d’entrer avec de grandes troupes dans
ÏV. 6