Rosen , le secrétaire des cosaques de la station
ne voulant pas me donner des chevaux, ni pour
Kathrinenfeld, ni pour le village le plus voisin,
où je pusse en changer, je fus contraint de prier
un cosaque d’aller, moyennant quelque argent
que je lui donnai, au village même de Mou-
ganli, faire exécuter l’ordre du gouverneur. Le
chef du village accourut aussitôt, et guide, et
chevaux furent prêts à l’instant.
Mon guide ta tare me mena jusqu’au petit
Mouganh, village tatareau bord du Khram, où
il me remit au chef du lieu ; on prit mon bagage,
on le déposa sur un tertre et on me laissa là;
presque tous les hommes étaient hors du village,
et ceux qui m’avaient reçu s’en allèrent aussi
avec mon guide. Je passai ainsi plusieurs heures
à attendre et fort contrarié de cet abandon. Les
femmes sortaient de temps en temps de leurs
huttes pour me regarder de loin ; 1 ''étranger faisait
le sujet de leur conversation; enfin l’une
d’elles, déjà âgée, s’approche de moi et me fait
signe de la suivre ; elle me fait entrer dans une
hutte assez propre où je trouvai un pauvre
garçon de 16 ans, hydropique des suites de fièvres
intermittentes : on m’avait pris pour un
éfcim (médecin), et on voulait un talisman ou de
la médecine ; je n’avais ni l’un ni l’autre à leur
donner, et je^ leur conseillai plutôt de le fortifier
par une bonne nourriture et par du bon vin. On
me m en a aussi chez un jeune homme de 2 5 ans,
qui était en partie paralysé ; je l’engageai à aller
prendre les bains chauds de Tiflis.
Il faisait déjà sombre quand je vis enfin revenir
mes gens avec des chevaux ; je leur exprimai
mon mécontentement pour m’avoir fait attendre
si longtemps; ils me firent comprendre qu’ils
avaient été obligés d’aller chercher ces chevaux
bien loin au pâturage, et comme je leur dis qu’il
m’était impossible de partir ce jour-là, puisque
la nuit était venue , le sultan du village m’offrit
très-gracieusement l’hospitalité.
Ces Tatares étaient encore dans leurs demeures
d’hiver qui se Composent d’un grand
vestibule ou portique ouvert, et de quelques
pièces intérieures peu éclairées. Ce vestibule est
le portique où Homère fait coucher ses héros
après les festins ; celui de mon hôte était décoré
d’une grande estrade en forme de bois de lit
où les étrangers pouvaient étendre leurs tapis;
j ’en fis mon divan, j ’y pris mon thé qui, aussi
bien que le sucre, tenta mon hôtesse; elle m'en
demanda quelques morceaux pour lesquels elle
me servit un bon souper d’oeufs et d’autres mets
tatares; c’était mon premier repas de la joui’“
née : on apprend à jeûner dans ce pays, et ce
n’est plus une privation que de passer une journée
sans manger, pourvu qu’on ait du thé.
Coucher seul dans mon vestibule, c’était cou