trance , et qui croiront vous faire une grande
faveur que de ne pas vous massacrer, et de vous
envoyer garder leurs troupeaux? Et encore,
échapperiez-vous aux Persans et aux Kourdes ,
que vous n’échapperiez pas aux Turcs et aux
Arabes du désert ?
Les chefs de l’entreprise furent émus à ce tableau
si vrai des misères sans nombre qui les
attendaient, s’ils persévéraient dans leurs projets,
D’ailleurs les fatigues d’un long voyage et les
maladies, en diminuant leur nombre, avaient
bien ralenti leur zèle. Ils acquiescèrent aux conditions
qui leur furent faites de les traiter
comme les autres colons de la Russie méridionale,
de leur donner 35 dessétines de terres
arables en propriété par famille, de leur bâtir
des maisons, dont le remboursement s’effectuerait
dans l’espace de dix ans , sans intérêts. Au
bout de ce temps, les colons devaient être assu-
jétis à une imposition de 20 copeks ou centimes
par dessétine (1). Jusque-là, ils devaient être
exempts de toutes charges.
Telles sont les conditions qui furent offertes
et qui furent acceptées. Néanmoins, les premiers
moments de cette colonisation ont été bien durs
pour les nouveaux venus. Chacun demandait sa
ri) A Marienfeld, cette prestation était évaluée a 7 aba-
zes îj (6 francs) par propriété.
maison et croyait que le gouvernement pouvait
les faire surgir de terre comme des champignons.
Les colons se plaignirent et firent les exigeants ;
ils impatientèrent le général gouverneur, qui
d’abord leur avait été favorable, et qui se repentit
ensuite d’avoir laissé venir dans son gouvernement
des gens aussi têtus.
Bien des fois, notre schultz avait été envoyé
en députation auprès de lui ^ et il ne parlait
qu’avec humeur de ses entrevues avec le sévère
gouverneur du Caucase.
Enfin, tout se calma, tout s’arrangea, et nécessité
fit loi ; les esprits et les préjugés s’adoucirent
, étouffés sous le poids des soucis de la
vie matérielle. Il fallut se faire au climat, et la
mortalité fut grande pendant les premières
années.
Le total des colons qui arrivèrent successivement
(1), en 1817 et 1818, était de 2,617 indi-
dividus. En i 83i , leur nombre, diminué de
616, ne s’élevait plus qu’à 2,001 habitants. Les
guerres avec la Perse s’étaient jointes aux
pleurésies , aux fièvres typhoïdes, pour les décimer.
En juin 1826, Hélénendorf et Annenfeld
avaient été pillés et saccagés par les Talares du
Karabagh , comme je l’ai raconté. Au mois
(1) Un certain nombre de familles qui n’osèrent passer
le Caucase, se sont colonisées au pied du Béchetau.