route de Gori. Le funeste paliurus n’y est que
trop fréquent. Les paysans profitaient de la pluie
qui avait inondé le pays depuis la veille pour labourer
la terre et la préparer pour les blés
d’automne. Je vis des charrues attelées de six,
et même de dix paires de boeufs. Il est assez extraordinaire
que ce sol, qui ne consiste qu’en
petits cailloux, puisse être si fertile ; mais on
comprend qu’il puisse être si dur à labourer.
Ce n'est qu’un col imperceptible qui sépare la
plaine du Ksana de celle de l’Aragvi , et il est
aisé de supposer le Kour, passant jadis par là,
au lieu de s’échapper par la profonde fente de
rocher, où il coule au-dessous de Mtzkhétha.
La rive gauche de l’Aragvi est aussi une
plaine de même niveau, qui s’étend assez loin à
l’est.
Aux approches des ruines de la forteresse de
Naosa, reparaissent les collines de conglomérats
et de cailloux. La végétation était belle , et
les rosiers, la vigne, la viorne, le paliurus, le
charme, etc,, le étaient en fleurs.
On quitte, au quatorzième verst, les rives de
l’Aragvi, afin de tourner une colline qui le serre
de trop près pour qu’on ait pu y pratiquer la
route. Nous nous enfonçâmes alors dans une
boue gluante et profonde, et il fallut aller à la
quête de quelques paires de boeufs pour nous
tirer de là.
J’admirai, près du chemin, le petit lac de Ba-
saêti, d’une eau superbe et limpide, qui remplit
un bas-fond, non loin du village de Sakha-
boura.
Nous n’arrivâmes que le soir à Douchette,
tant les chemins étaient mauvais.
Le lendemain, 3i mai, à 11 verst et demi de
Douchette, je vis reparaître le schiste argileux,
dont le massif principal de la chaîne du Caucase
est composé; des porphyres en avaient redressé
les couches, et des débris de calcaire noir
étaient semés çà et là.
Près de là, la vallée de l’Aragvi n’est plus
qu’une gorge étroite, et Ananour, forteresse qui
en défendait l’entrée et la sortie, est bâtie sur un
rocher qui en occupe le milieu, Les eristhaves
de l’Aragvi, qui occupaient un des premiers
rangs parmi les magnats de la Géorgie, y avaient
leur résidence, et leur piété y fit élever les deux
églises qui, à elles-seules , remplissent presque
tout l’étroit espace qu’embrasse le fort. Elles
sont dédiées toutes deux à Sainte-Khitobel.
La plus petite, qui date de 1614, est bâtie en
briques, Elle renferme le grand tombeau d’un
éristhave, avec une inscription en écriture cursive
, et une main de fer appendue comme
eX-voto. La coupole en est en partie enfoncée(1).
(1) Voyez Atlas, IIe série, pl. 3o.