La nature, au-delà du Dnépr, entre ce
fleuve et le Bog, avait pour ainsi dire tracé leur
route, en avait posé les jalons. Déjà Hérodote
la connaît sous le nom di Exampée ou voies sacrées
; aujourd’hui, c’est le Czorny-szlak, ou la
voie noire, que l’on trouve tracée sur les cartes
de Le Vasseur de Beauplan et de Rizzi Zannony.
Pour tous les peuples qui ne tiraient pas vers
le Danube et la Thrace, le courant de leur marche
les portait nécessairement par-là; caries
nomades, avec leurs chariots et leurs tentes,
cherchaient les gués du Dnépr pour le passer,
et ces gués les amenaient précisément à l’origine
de l’Exampée.
Une fois sur l’autre rive, pour éviter la multitude
de ravins qui coupent les encaissements
du Bog, que l’on n’avait pas besoin de passer ,
l’on restait sur un plateau en partie granitique,
uniforme, couvert de la plus belle verdure;
nulle part on ne pouvait trouver de plus riches
pâturages pour nourir les troupeaux.
La traversée de ce plateau présentait, en outre,
une impossibilité manifeste de pénétrer vers
le nord : les immenses marais de Pinsk , qui,
comme une mer méditerranée, s’étendent des
affluents de la Vistule au Dnépr, repoussaient
toute colonne émigrante, tout nomade de leurs
bords fangeux, et les retenaient au midi ou à
leur gauche. C’est ainsi que le torrent de la marchë
les conduisait inévitablement à travers la
Podolie, la Wolhynie, sur la Pologne, sur la
Galicie, et de là sur toute l’Europe occidentale.
Ainsi passèrent les Rimmériens , les Jaziges,
les Alains, les Huns, etc. :-lesMogols et les
Tatares firent toutes leurs invasions en Pologne
par ce chemin-là.
Si les nomades, ou tout autre peuple émigrant,
ne traversaient pas le Dnépr, si un obstacle
les retenait sur la rive gauche du fleuve,
leur marche, par la force des choses, se faisait
alors du nord au sud, repoussés qu’ils étaient
dans leur tendance vers l’ouest par la même
barrière des immenses marais de Pinsk , qui, remontant
avec la Bérézina, sont une puissante digue
de ce côté-1 à.
Telle fut la marche des Scythes-Tchouds, qui
retournèrent sur leurs pas, des A zen, des
Rhoxalans, etc.; et vice versa, des Varègues, des
Ross, des Slaves de toutes les nuances. Remarquez
qu’aucun peuple du nord-ouest, et revenant
sur ses pas, n’a suivi l’autre route, et qu’ils
sont tous descendus le long du Dnépr.
Je ne connais de peuple que les Goths, qui,
dans les temps historiques , aient traversé les
marais de Pinsk., lors de leur invasion en Crimée
(i). Charles XII traversa aussi une partie
(1). Jornandès, dereb. Get. IV, dit clairement que les