diers en fleurs ; les saules et les peupliers, qui
bordaient les ruisseaux, étaient en pleine verdure.
Cet aspect d’Ourdabad était d’autant plus
frappant pour moi, que la basse Arménie, que
je venais de traverser, n’est pas, en général,
de nature à plaire à des Européens habitués au
bel émail des prairies, à la riche verdure des
forêts. Je n’avais retrouvé de nos contrées que
nos alouettes et nos vanneaux. Vous m’enviez
les jacinthes, les tulipes, les iris qui croissent cà
et là ; vous avez tort ; tout cela est si maigre, ce
sol est si aride et si sec, que vous devez vous
estimer bien heureux d’avoir vos hépatiques et
vos violettes. Pas un arbre, tout est nu et
décharné ; ces montagnes sont absolument dépouillées
d’herbes et de toute espèce de parure.
Un orage de nuit a abreuvé la terre; je mets
machinalement la tête à l’air, il me semble que
je dois sentir le parfum des bouleaux ou des
noisetiers; mais rien, Pair est inodore, et les
primevères de nos prairies ont plus de parfum
que cette contrée sauvage où l’eau manque partout
, car il n’y a que l’eau et les arrosements
qui puissent y faire pousser quelque chose. J’a—
vaisdonc de fort bonnes raisons pour trouver
Ourdabad charmant au milieu de ses vergers et
de ses innombrables mûriers, puisque le district
d’Ourdabad, en Arménie, est le seul qui produise
de la soie. Le miel qu’on y recueille est
célèbre.
Chik-ah-Khan, gouverneur d’Ourdabad et
frère d’Eksan-Khan, voulut absolument me re-
cévoir chez lui ; j ’y consentis d’autant plus volontiers
que le maître de police dont j ’avais fait
la connaissance à Erivan, et qui m’avait offert
un logement chez lu i, était en course depuis
plusieurs jours. Chik-ali-Khan et son frère, qui
ne reconnaissaient la souveraineté de la Russie
que depuis la dernière guerre de Perse, parlaient
déjà le russe.
Le matin du 3o mars, j ’allai voir la merveille
d Ourdabad , c’est-a—dire le fameux platane qui
ombrage une petite place de la partie haute de
la ville. On y arrive par de petites rues tortueuses
et fort étroites comme dans toutes ces villes
asiatiques ; il a, en effet, quelque chose d’imposant,
ce vieux fils de la terre, et l’on paraît bien
petit à côté de lui. Je le mesurai; à six pieds de
terre, sa circonférence est de 32 pieds, et au
collet des racines, au moins de 4o pieds; son
diamètre moyen est à peu près de i l pieds.
L’intérieur, qui est creux, offre un espace de
7 pieds^ complètement vide. Souvent, et surtout
quand quelqu’un arrive dans ce lieu, regardé
comme un exil, les employés russes y fon t porter
une table et des chaises, se donnent un thé et y
jouent une partie de whist. Du reste, ce platane