Gherghéti était un saint ou une sainte (les
Osses ont oublié son sexe), qui faisait beaucoup
de miracles sur cette montagne, où il avait établi
son ermitage. Cependant l'on ignore s’il a donné
son nom à l’église, ou si l’église, qui paraît dater
de l’époque de la reine Thamar et de son prosélytisme
dans le Caucase, n’a point été la cause
de son établissement.
Quoi qu’il en soit, l’église de Gherghéti, qu’on
appelle aussi l’église de la Sainte - Trinité ,
Tzminda-Samèba, en géorgien, Troitskoi-Mo-
nastjrr, en russe, est d’un effet admirable sur la
cime de cette montagne , en partie gazonnée.
Du temps de Reineggs , le prêtre qui la desservait
ne l’ouvrait que le jour de Pâques. Ce
Voyageur parle, sans les avoir vues , des merveilles
qu’elle renfermait, selon le dire des habitants
de Gherghéti; il devait s’y trouver, entre
autres, un grand cristal de roche, de couleur
hyacinthe, qui mesurait 27 pouces de hauteur et
18 de largeur.
Pour suffire aux besoins des pèlerins, et pouvoir
ainsi remplir les devoirs de l’hospitalité , si
sacrée chez les montagnards, chaque famille de
la vallée de Khévi avait l’habitude de contribuer
d’une mesure d’orge , pesant environ 80
livres , que l’on déposait dans une hutte de
Gherghéti; cet usage existe encore aujourd’hui,
dit-on.
Le merveilleux qui repose sur Gherghéti, et
qui semble être l’apanage de ces vallées, où la
nature est si grandiose, si mystérieuse, repose
de même sur le Kasbek, dont la renommée n’est
pas moins voilée d’un tissu de légendes, que
Reineggs nous a aussi conservées (1).
Sur le somment de cette montagne se trouve,
selon la fable, une église dans laquelle une main
invisible a tendu, sans corde ni poteau, la tente
d’Abraham qui abrite le berceau de Jésus-Christ.
De grands trésors sont déposés autour : mais ils
sont enchantés, et nulle main ne peut y toucher
que celle d’un homme qui a vécu dans la sainteté
et dans la piété.
Cette fable, perpétuée par la tradition la plus
ancienne, et à laquelle cependant tout le monde
ne croyait pas, fut tout à coup, sous le règne
de l’avànt-dernier roi Héraclius , le sujet d'une
tragi-comédie des plus ridicules.
Un vieillard et son fils, tous deux revêtus de
la dignité de prêtres, prétendirent connaître le
chemin de cette église, et offrirent d’y aller
chercher les trésors qui faisaient l’objet des*
pieuses envies du peuple.
Héraclius y consentit, leur fit donner toutes
les provisions nécessaires, et surtout leur recommanda
bien de rapporter l’argent.
(i) Reineggs , II, p. 82.