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tion, qui parle tant te tolérance, n’ eft guère
moins coupable du contraire que toutes les
autres; & plufieurs même de ceux qui la prêchent
, ne font rien moins que tolérans.
La Tolérance n’ eft point partiale, demander
du fupport, pour l’ éprouver feul, n’eft pas
connoître les- vrais fondemens de cette verra.
Il y a une forte de perfécution, exercée par
la fâtyre, qui n’ eft guère moins douloureufe
pour ceux qui l’ éprouvent, que celle dont
avec raifon on voudroit délivrer le Monde,
& il eft peu fûr, que ceux qui 1 exercent, ne
devinifent opprefleurs & enfin même fangui-
naires, s’ ils avoient le glaive en main. Il faut
commencer par être foi-même tolérant, pour
exiger de la tolérance; fans quoi l’on ne montre
que le defir de propager fes opinions. Le principe
fondamental de la vraie Tolérance, eft la
connoiffance de la foiblefie de l’Homme dans
la recherche de la vérité. Celui donc , qui
veut entreprendre de rendre les hommes to‘
lêrans, doit commencer par montrer lui-même,
qu’ il fait fe défier de fes idées, & voir celles
des autres fans mépris ni aigreur.
C’eft à ce caraétère qu’ on reconnoît les vrais
Philofophes; c’e ft-à -d ire , ceux qui ont le plus
approfondi l’ efprit & le coeur humain. Ils plai*
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| gnent les hommes, quand ils les croient dans
1 des erreurs dangereufes, & ils cherchent à les
[ramener. Jamais on ne les verra employer à
¡ce but, l’arme crueile du ridicule, qui peut
bien influer fur la manière d’agir, mais nullement
fur la manière de penfer. Ils n’apporteront
pas l’efprit de tolérance dans les opinions
religieufes feules; mais dans toutes les
opinons. Ils l’exerceront donc auifi dans les
matières politiques; où l’ efprit & le coeur s’en-
iflamment, comme dans celles de la Religion,
& où la vérité eft fi cachée. „ Défiez - vous ;
„ diront-ils, lorsqu’ on crie d’abord, à la licence!
L à la tirannie!. Celui qui eft fi prêt à attribuer
L des vues aux autres, à dire que tout eft per-
L du fi fon opinion ne l’emporte ; montre trop
l, de préfomption pour mériter d’être cru.”
Si la Politique a été fi fouvent, comme la
¡Religion, l’inftrument des ames ambitieufes 8e
¡turbulentes; c’eft peut-être parce qu’on n’a
pas affez garanti ces hommes, qui doivent fournir
leurs voix ou leurs bras , le Peuple ,
veux-je dire, du danger de foupçonner trop
¡aifément, de la mauvaifefoy, des defleins éloignés,
de dangereufes conféquences dans certaines
opinions. S’ il . avoit plus' de fup-
jport, s’il faYoit mieux combien la décou-
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