
fouffre; & je ferois auiïï fâché de fa fouffrance,
que de celle du foible. Celui chez qui fa pofi-
tion a créé plus de defirs, eft dans le même
cas. Il faut donc une inégalité de diftribution,
pour qu’ il y ait égalité de jouiffance. Mais il ne
faut pas oublier une claffe d’hommes. Si la portion
dès foibles n’eft rien, l’inégalité eft abfolue.
Et quand la juftice & l’humanité n’infpirq-
roient pas ce principe, ne feroit-il pas diété
par la prudence? Entre ces hommes, en grand
nombre., dont les facultés font li bornées >
qu’ ils n’ obtiennent presque rien par les voyes
communes, & fouffrent, il y en a qui fouffrent
' impatiemment, & qui vont à la jouiffance par
des voyes courtes & peu pénibles, où la Société
perd bien plus, que fi elle les portionnoit
de bon gré. Tel fe feroit contenté d’un morceau
de pain, s’ il l’eût eu; qui, forcé de le
prendre, ne s’y arrête pas. Il n’eft pas befoin de
raifonnement pour le prouver ; les faits parlent.
C’eft après avoir envifagé la Société fous ces
points de vue, que j’ai eu tant de plaifir à con-
fidérer les Communes des Montagnes; où, par
des Pâturages &deS Bois, l’homme qui y naît*
& qui demeure fimple, trouve une fubfiftance
à l’abri des revers de famille. Ces revers font
vifibiement occafionnés par la fphère des forts,
qui, fi elle eft livrée à fqn aftivité, engloutit
celle des foibles. La confervation de la pro-
prièté , principe indispenfable dès que les hommes
fc raffemblent, vient enfuite conferver le branle
déjà acquis par les fphères des forts ; & celles des
foibles en diminuent de plus çn plus. H faut
donc qu’^ù moins, cette même influence de la
Société, qui protège les agrandiffemens faits,
mette quelque empêchement à ce qu’ils nç pas-
fent pas de juftes bornes. |
Ces principes, auxquels le coeur prend un fi
v if intérêt, ne font contredits par rien chez les
heureux habitans des Montagnes. Le fol d’une
Commune, y diffère fi peu en productions de
celui des poffefiions particulières, qu’on n’eft
point détourné de leur confervation, par l?idee
d’ uq plus grand produit. Mais il eft vrai que
je descendis plus bas, & que parlant des Communes
en général, j’y renfermai parconféquent
Celles des Plaines, où les produits fpontanés
gc utiles font bien moins abondans,& quelquefois
presque nuls. Je voyois bien que celles-ci
auroient effenti.ellement à gagner par la culture:
mais redoutant les partages, comme, étant par
leurs conféquences l’exclufion immanquable des
foibles ; je n’ abandonnai point le principe ; & je
n’ envifageai 4e culture falutaire, que celle qui