
M a is s’en fuit-il de là le moins du monde,que,
par fa nature, E l l e ne puifle acquérir des Idées
qu’avec l’aide de ces mêmes S e n s ? De ce que
toute l’Efpèce humaine, pendant toute l’Etern
ité , n’auroit pas même foupçonné l’ Univers
Il elle eût été fans Teux, auroit-on été en droit de
con c lu re , qu’ elle n’étoit pas fusceptible de con-
n o ît r e , ce qu’ elle connoît cependant par lemoyen
d e l à Vue? Je vais plus loin. D e ce que I’Ame
unie au C o r p s , ne connoît de Y Univers que
les faces déterminées par notre étroite Phyfyue,
s’ enfuit-il que, féparée d e fe s Organes E l l e ne
p u ifle , par elle-même, avoir aucun rapport d’im
to u t autre Ordre avec ? Univers? En vérité,
raifonner a in fi, me paroîtroit conclure à la
manière d’Etres aveugles, qui foutiendroient,
qu’ il m’ y a dans I’U n i v e h s q u ’odeurs, faveurs}
fons , & des obflacles à 'leurs mouvement.
-Ainfi I’A m e , le S o i , d e l’Homme, P E t r e
qui fe fen t, n’ eft fûrement rien de ce qu i fait
l’objet de la Pbyfique. Mais il n’ en découle
p o in t que, par fa nature, cet E t r e ne puifle
avoir mille rapports avec I’U n ï v e r s fans
l’ entremife de la Matière, & avec la Matière
e lle -m êm e d’ autres rapports que ceux que nous
éprouvons. Penfer qu’EimE peut avoir ces rapports
dans un autre état, e ftu n idée qui ne renferme»
' ni
ni con trad iftion , ni ambiguité, ni impoflibilité.
Et cependant cette feule idée lève toutes les
difficultés du Matérialijle, qui n’ étoient que des
argument ad hominem. Par là encore c e lle , la
tentation de chercher à animer la S u b s t a n c
e objet de la Phyjique, confidérée par fes
qualités qui font les objets de nos Sens: par là
' tombé, cette conclufion p ré cip ité e ,q u e lorsque
l’Homme cefle d’ être apperçu par nos cinq
I S e n s , il eft tout détruit : par là s’ évanouiflent,
ces difficultés, que trouvoient quelques uns de
ceux qui admettoient I’A m e , à concevoir
que les Idées püiTent fe former en E l l e , ' &
qu’i'LLÉ put encore en a v o ir , après fa fépa- •
ration de la M a t i è r e . En un mo t , nous
nommes rappellés chez n o u s ; avec beaucoup
de diminution fans doute dans ce que nous pen- '•
fions de fa v o ir , mais avec bien plus de-confiance
dans notre s e n t i m e n t i n t é r i e u r ;
[qui, pour tenter maintenant de le définir, me
; paroît pouvoir l’ être par ceci : , , le réfuitat fom-
„ maire, de notre nature à fon point aftuel de
„ développement, & de tout Ÿerfembledes ch o -
„ fes qué nous avons apprifes & éprouvées : en
„ c el a , femblable à ce que nous nommons
„ T h é o r i e dans. lès Sciences ; c ’ eft-à-dire, à'
»Yenfemble des Principes généraux les plus cer-*
Tome I . I . Partie. O B