
ces fous lesquelles fe préfentent les objets. De
la pofition de l’homme qui fpécule froidement
pour arranger des Loix, 5 à celle ou il fe trou-
veroit quand il auroit l’autorité en main, il y a
une différence fi prodjgieufe, que le plus fage
Légidateur, né chez les Grands ou chez le Peuple,
peut devenir un Tyran. 'Dans ,cette nouvelle
pofition, il voit les hommes par des côtés
où il ne les avoit pas vu e.ncorp; il eft lui-
même affeété des objets du Gouvernement d’une
manière très différente | les jouilTances attachées
à ion nouvel état, ( & il en faut aux Hommes)
naiffent de toute autre fource* & comme enfin
chaque homme ; a fes goûts, fon jugement, fa.
volonté, de qu’alors il a le Pouvoir, le voilà un
Puiffant. Mettez donc en fes mains, ces récom-
penfes pour la vertu, ces peines pour le vice :
c’eft- à-dire , le Pouvoir l,e plus énorme qui puis-
fe exifter fur la Terre; Pouvoir dont aucun Monarque
Oriental n’a approché; & vous verrez,
ce que pourronjç devenir à fes yeux & vertu &
vice, dans fes propres aûions & dans celles des
autres! Et enfin, quand j’accordcrois à ce premier
Légiflateur, outre le génie le plus profond,
une vertu incorruptible, une fugacité infinie,
une activité fans borne; qui lui fu'ccè-.
dera ? .
Mais voyons quels font les motifs de Mr.
Hetvétius, pour ôter à la Religion Ton pouvoir
fur les Hommes,dans le but de leur faire plus
iûrement fuir le vice & chercher la vertu. Ç’e jl,
dit-il, quelle jette de Phuile fur le feu. pour Pétein-
dre. Il a toujours en. vue les désordres .commis fous
le masque de la Religion. Sa çymparaifon ee-
pendant .étoic très juite; feulement il fai,luit la
pouffer jusqu’au bout. # Un peu d’huile, jpttée
fur le feu, augmente fa force, parce qu’elle
s’enflamme;, mais rien ne l’éteint plus fûrç.ment-,
quand elle eft en fuffii’ante quantité ; parce que
le Eeu abandonne . aufiltôt les autres matières
combuftibles, s’y étend & fe calme. Ainfi la
Religion, mal.vue, défigurée, attaquée, détruite
par là dans le coeur de ceux qui font, les
plus hardis à en prendre le masque, fera fans
doute un fujet de trouble parmi les hommes.
Mais quand tous les Philof'ophes fendront, que
ç ’eft elle feule qui peut .remplir le coeur de
l’Homme, fatisfaire fa foif de bonheur, éteindre
les paffions violentes; & qu’ ils joindront
leur voix à celle du Peuple, qui la réclamera
toujours, parce qu’elle feule fait fa fureté & fon
ponheur : alors elle contiendra les Puiffans, ou
par eux-mêmes ou par la,force publique; elle
réglera les adtions cachées; elle rendra l’Hom-
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