
le foin d’employer cette bafe, fuivant les maté*
riaux qu’ il auroit. Elever Emile, n’ étoit pas
fans doute élever l’Homme : mais on n’arriva
jamais au compliqué avec quelque fuccès, qu’en
confidérant les cas fimples.
Je ne crois pas le problème du Bonheur moins
compliqué que celui de l’Education) d’autant
que celui-ci même y'rentre : & je juge de fa
difficulté, en voyant tant de traités fur cet obje
t , fans que les hommes en foyent beaucoup
plus heureux. M’aurions nous donc point d’E-
mile qui pût nous fervir de bafe ? Nous l’avons;
& c’eft le Villageois.: non celui qui eft
fous l’influence des Villes : je prie qu’ on remarque
bien cette diftinétion. Je ne parle que de
l’Homme vraiment fimple, qui naît & vit aux
Champs, & ne fe mêle point avec nous. Simple,
ai-je dit; & c’eft en cela que je trouve
une bafe, pour fonder le fyftême général du Bonheur.
On ne fauroit disconvenir que l’afpeû
des gens de la Campagne n’en aît toujours réveillé
l’ idée. Combien n’a - 1 - il pas infpiré de
Poètes ! Quelles intéreflkntes images ne fournit-
il pas! Il fuffit de nommer la vie champêtre,
pour exciter mille idées agréables. Il y a donc
quelque grande vérité au fond de cela. Mais
€’ eft une vérité abftraite, qui s’évanouit lorsf
qu’on ne regarde les caufes qu’une à une. J’a-
jvois déjà tâché de le montrer dans mes Lettres
jfur les Montagnes de la Suifle (ct)\ & comme je
Icrois que c’eft manque de généralifer, que nous
|ne profitons pas aflez de l’exemple du Villageois ¿
l ’ai cherché à faifir les caufes profondes qui agis-
jfent chez lui ; & e’ eft l’objet de plufieurs de mes
jfligre fiions.
Je fuis donc bien loin de fonger à dés applications
immédiates ; je me reflens trop moi-tnê-
| jne de l’influence des Villes, pour defirer d’être
ifunplé Villageois & placer mon bonhéur à
■conduire des troupeaux ou la charue. Mais ce
jn ’eft, ni le troupeau, ni la charue, qui le ren-
fcent heureux ; ce n’eft pas même' l’enfemblé des
■objets ; ce n’eft point, v eu x -je dire, comidé
ïources'immédiates de bonheur, qu’ils font le
■Tien; c’eft par la dispofition où ils l’ont conferi
r é : c’eft en un mot, par fa S i m p l í c i t é ¿
piil eft heureux. Or elle n’eft point réfervée
^iniquement aux habitans de la Campagne,
Confidérons l’Homme au commencement de
Jfa vie. Tout eft plaifir pour lui. Son admira-
p ie organifadon le fait jouir dé tous íes ofc
(a) Lettre x î .
E a