
des lèvres ; mais d’une ignorance fentie. C’eft
un des pas qui diftinguera notre Génération,
pre'cife'ment parce qu’elle commence à favoir
quelque chofe. Quand le Disciple, dès fes premières
leçons, recevra des preuves directes
que l’Homme fait très peu ; il ne fera plus fi
aifé de l’envelopper dans les filets de la pré-
fomption; il repouffera ces Syftêmes, qui peuvent
flatter la vanité de l’ esprit, mais qui lais-
fent l’ame vuide de bonheur.
Etudier & fentir la Nature, étoient deux
chofes qu’il ne falloit point confondre. Dans
l’ une nous ferons toujours novices ; dans l’autre
nous avons tout ce qu’il nous faut : & c’eft
encore là que je reconnois une Main bienfaifante.
Les fpéculations de l’esprit ne peuvent
jamais appartenir qu’ à bien peu d’Hommes ; &
la jouiflance eft pour tous.” Gardez donc vos
,, fpéculations, hommes ambitieux, & ne ve-
s, nez pas troubler la paix du refte du Mon-
„ de ! Si vous voulez nous éclairer réellement,
veqez, & parlez nous d’Expérience : mon-
,, trez nous pied à pied les progrès que vous
,, avec faits, en paffant, par des degrés fûrs,
„ des chofes que nous connoiflions, à celles
,, que nous ne connoiflions pas. Mais n’y
„ placez point de fuppofitions ; car dès que
t la route ceffera d’être tracée par la Nature,
„ nous perdrons toute confiance.” Quand on (
tiendra ce langage aux fpéculateurs, & qu’on
les obligera de fuivre une régie aufli raifon-
nable, on verra que c’eft par des fentiers tracés
dans le Néant, qu’ on a détourné l’attention
de deffus cette Caufe intelligente de l’Univers,
à laquelle remonte le fentiment naturel
de tous les hommes*
Mais c’ eft là un objet auquel je me propoie
de revenir dans plufieurs des Discours fui-
vans; & ici je me borne à infifter fur ce point:
que les Théiftes ne doivent pas fe laiffer intimider
par cette faulfe Science. Elle ne fau-
roit triompher que par leur relâchement. Il
faut fans ceffe rappeller les hommes au penchant
primitif de leur nature, qui eft certainement
l’admiration de l’Univers. Que chaque
pas qu’ on fera dans les découvertes réelles,
foit comparé avec 1 l’ idée d’une Caufe intelligente
& fage; & la ^multitude innombrable
d’objets qui fe lieront avec e lle , exclura,
l’hypothèfe, aufli trifte que gratuite, que les
Caufes phyfigues n’exiftent pas en vue de leurs
effets; mais que les effets exiftent feulement,
parce que ces Caufes ont exifté.... Quoi ! par