
autre fource. Si chaque homme trouvoit la plus
grande partie; de fon bonheur, dans les motifs
qui l’empécheroient d’empiéter fur celui des autres
, ne jouiroit-il pas alors individuellement de
tout le bonheur de la fociété? Ainfi toute Mo?
raie qui ne préfentera pas ces motifs aux hommes,
manquera fon but, &, n’aura point dp
fblidité. Or voici ma propofition fondamentale
fur cet objet, qui, par fon importance, donne
du poids à tout ce qui le concerne. I l •n’y a
point de M o r a l e folide, fans la R e l i g i o n .
Ou, pour m’expliquer d’une manière plus pré-
cife, la Morale rationnelle ne peut produire que la
première petite portion de bonheur p qui confifte
dans le repos apparent de la Société : tandis que
la Morale religieufe produit, Sp cette partie là , Sç
celle, incomparablement plus grande, qui faiç
jouir chaque indivfdu de l’enfemble du bonheur
dçs autres; non feulement dans le préfent, mais
dans le palié & l’avenir. -
Cette Thèfe renferme deux objets diftinéts:
l’cifet & fa Caufe. La Religion eft- elle donc
Une' fi grande fourcç de bonheur? Et quand elle
le feroit, eft-elle dans le fond autre chofe qu’une
belle chimère ? Cette dernière queftion entrant
pour beaucoup dans le plan de tout mon Ouvrag
e , je ne m’y arrêterai pas ici; & je ne m’occuperai
que de la première-; c’ eft- à-dire, de la
comparaifon de la Morale rationnelle, à la Morale
religieufe.
Quand on réfléchit fur les fondemens de la
M o r a l e , il s’en préfente deuXj qui les renferment
tous, la jujlice & la convenance:' Et ft
nous / n’avons point de' SanêtiOn Divine immédiate
pour la M o r a l e , la jujlice eft un objet
de fentiment, & la convenance eft foumife au
calcul. Examinons leurs réfultats.
Si nous confidérons d’ abord les motifs tirés
• du fentiment, nous verrons bientôt que les ar-
gumens de la M o r a l e feront très foibles»
Son but , ai-je dit, doit être de maintenir entre
les hommes un équilibre, non tfaâion, mais de
volonté: de faire vouloir chaque homme, comme
il convient à la Société qu’ il veuille à fa
place, il faut donc qu’il le veuille par des mo-
tifs; & nous allons voir d’abord ceux du fentiment.
Lorsqu’on a dit à l’Hommé, confulte ton coeur ;
on lui a prêché toute la M o r a l e : ce que fon
çoeur ne lui dira pas, on ne le lui prouvera
point. J’ai beaucoup de Confiance au coeur de
l’Homme, & je lé montrerai dans la fuite: ce
fera même l’objet d’un -de mes Discours* Mais
pourquoi m’en occuperai-je ?■ C’ eft qu-’un grand