
part cette propofition bien peu réfléchie: une
aile de papillon prouve tout, ou tout le refie ne
prouve rien. C’étoit pour affaiblir la preuve
de l’exiftence d’une Caufe intelligente, tirée
des Ouvrages de la Nature, On comptoit
pouvoir arranger la Matière pour former une
aile de papillon par fes propres forces, &
l ’on croyoit avoir fait tout l’Univers. Mais
les probabilités de l’exiftence d’une Caufe, n’augmentent
elles pas, à mefure qu’ on découvre des
effets qui paroiifent liés au caraétère attribué à
cette caufe ? Quand il feroit vrai que l’on conçoit
comment la Matière auroit pu s’arranger d’ek
le-même pour faire cette aile de papillon,
dans laquelle nous voyons deux effets, l’utilité
de l’Animal & le plaifir de nos yeux; ne fe-
roit-on pas abforbé par la multitude des effets
femblables ?
Nous voyons d'un côté, des Etres d’une
Smmenfe variété d’Espèces, tous capables &
avides de bonheur ; Etres par lesquels . feuls
l ’Univers eft quelque chofe. Et d'un autre côté
nous avons lieu de reconnoître, que cet
Univers a pour dernier effet leur bonheur:
tout concourt à le leur procurer, à chacun
fuivant fon Espèce: ils jouilfent tous; autant
du moins qu’il étoit polfible que cela fût, au«
travers' d’ enchdffemens , q u i, par de petites
diminutions de bonheur pour chaque individu,
augmentent le nombre de ceux-ci dans un rap-»
port beaucoup plus grand.
Si donc, aux yeux de quelques fpéculateurs,
I un arrangement fortuit de la Matière, produit
par des Caufes aveugles, paroît capable d’ex-
! pliquer ce que nous obfervoffs ; c’eft qu’ils
| comparent leur hypothèfe avec les phénomènes
pris un à un; & qu’épuifant leur ima-
j gination à trouver des pojjibilités, auxquelles
ils n’entendent rien, ils gliffent fur les impro-
3 habilités, & ne les additionnent pas.
Je conçois qu’il refulte un plaifir d’amour
propre, d’avoir cru arranger l-’Univers dans fa
S
3 tête : on en eft pour ainfi dire le Créateur,
& ce fentiment eft doux: mais qu’il doit
| être de peu de durée! Déjà il perd fa douceur
par l’habitude: il me femble du moins que je
puis le conclure, de ce que j’ai éprouvé à l’égard
de celles de mes petites découvertes qui
n’aveient point <Je t*ut au delà de l’objet.
Et enfin ne doute-t-on jamais de fon habileté
& de fes lumières? Si quelque forte objection
] vient renverfer une Hypothèfe fpécieufe dont
on s’étoit vanté, que refte-t-il pour fruit de fes
efforts ?
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