
L E T T R E XXI.
Syjìèmes de S C h e u c h z e r & de
l ’Ab b é P lDc h e *
L a u s a n n e le 22 xbj* 1775.
m a d a m e
S c h e o c h z ü r , Suiffe célébré par les Ou-
vrages qu’il a' publiés fur les Alpes, avoit auffi
puifé dans ces Montagnes une Théorie de la
Terre & une explication du Déluge univerfeh
Il eft presque impoflible, comme j’avois l’honneur
de la dire à V. M. dès l’entrée, de parcourir
ces Contrées avec un oeil obfervateur,
fans fentir qu’ il faut les connoitre pour con-
noitre la Terre; & fans que l’ imagination travaille
en même tems à féconder ce premier
germe, pour lui faire produire quelque fyftème
.M
ais comme ce ne font pas les Plaines feules,
ni les Coltines, qu’ il faut étudier pour connoitre
la Terre ,* ce ne font pas non plus les
Montagnes feules : furtout il faut contenir l’imagination
dès qu’elle veut philofopher; & fi elle
enfante quelque idée , il faut l’ empêcher d’en
être elle-même la nourrifiè. GarantiiTons nous
aufli de fon pinceau quand quelque objet extraordinaire
nous frappe ; interdirons lui le
plaifir de fixer ces objets d’une manière pittoresque,
dans des tableaux qui expriment la
première impreifion qu’ils ont faite fur nous*
car c’eft d’après ces tableaux qu’ elle enfante des
chimères. N’ employons donc ici que le compas
de la raifon; & tranfportant alors ces objets
fur la grande Echelle du Globe, examinons
fi la chute d’un rocher, qui auroit, pu fans
doute écrafer un Village, ou Londres lui-mê-
m e , eft un bouleverfement du Monde entier.
Cette marche méthodique aura bientôt refroidi
notre imagination; & nous forcerons alors la
Nature à parler vrai à notre entendement, où
à garder le filence.
.C’eft à quoi n’ont pas fait afiez d’attention
la plupart de ceux qui ont écrit fur ces
tières ; & c’ eft ce que négligent encore un
grand nombre d’obfervateurs. Trop frappés de
ces objets, grands fans doute quant aux inK»N