
jets qui l’ environnent. Qu’ il fe maintienne
dans cet é ta t , il fera heureux où qu’ il foit.
La vie ruftique y maintient le Villageois fans
qu’ il y fonge: c’ eft là tout fon avantage fur
nous : de là , & non des objets mêmes dont il
joujt, naît la plus grande partie de fon bonheur.
Ainfi pourroient fe maintenir l’Artifan, le Gentilhomme,
le Prince. Ainfi fe maintiennent
nombre d’hommes de toute claffe, qui font
heureux à la façon des Villageois; c’ eft-à-dire,
par la modération. L’Homme qui a pouffé la recherche
du Bonheur jusqu’aux limites de fes facultés,
ne fent plus que le tiraillement de fa chaîne.
Que l’Homme foit donc affez fage pour apprendre
à ne pas defirer ce qu’il ne peut obtenir
: qu’il fe refufe ces jouïffances vives, qui
émouffent la fenfibilité : que le dégoût d’un
moment pour les jouïffances fimplès & jour*
nallières, ne le faffe pas recourir à des élixirs
pour réveiller fes fenfations ; mais qu’il attende
patiemment, que fes organes rétablis fe rendent
propres aux plaifirs qu’ il connoît par expérience
: & il obtiendra par la fageffe, ce que le
Villageois tient de fon heureufe fituation.
Mais l’attention de l’Homme du Monde doit
aller plus loin, s’il veut être fage. Le Villa-
. geois n’ eft pas feulement Simple quant aux ob*
: jets des Sens, il l’eft encore,& principalement,
par les objets de l’efprit. Et combien e ft- il
I heureux de l’être ! C’ eft par ce point qu’on fouf-
fre le plus, quand on fent tirailler fa chaîne.
Combien de fois la raifon ambitieufe, voulant
forcer les bornes de fes facultés, ne fe met-elle
pas à la torture! Quel miroir ardent pour diifi-
per tous les plaifirs de l’efprit, que le raffinement
du goût! Celui qui fait fe retirer bien ea
dedans de la fphère d’activité de fon efprit,
dès qu’il en apperçoit les limites, reçoit donc
[encore de la fageffe, ce que le Villageois tient
j de fon heureufe pofition.
Omettrois-je ici le grand point qui fait, le
but de tout mon Ouvrage / Le Villageois, (celui
dont j’ ai toujours parlé), eft religieux.
C’eft là que fa férénité a fa bafe La férénité!
.. .. C’eft la marque la plus caraétèriftique idu
Bonheur. Le Villageois eft moral, par des
principes invariables; & fon efperance pour
l’avenir, en laiffant aux biens préfens toute
leurforee, détruit toute celle des maux. Il eft
reconnoiffant pour les biens, & par la il les
centuple : il transforme les maux en biens, par
le fentiment d’une religieufe réfighation, &
par l’anticipation du plus heureux avenir.
Ne croyons donc pas, que pour être heu-
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