
vrira pa s, que le mot appercevoir eft équivoque.
Mais en y réfléchiflant, on verra; que
d ’ u n côté il appartient, dans le langage commun
, à la fimple perception des objets, & qu’ainfi
il réveille l’ idée de fimplè perception,- tandis
qu’en même tems il eft appliqué quelquefois
aux reffemblances ou disconvenances de ces fim-
pîes perceptions. Si l’on ne remarque pas cette
équivoque, on n'apperçoit pas que la Majeure
du Syllogisme d’H e l v é t i u s renferme
déjà une pétition de principe, ou du moins une
Propofition fans aucun fens. Car il fait cette
Majeure de ce que font les opérations de l’Esprit
; tandis que c’eft à prouver ce qu'elles
font félon lui, que doit tendre fon argument.
La Mineure n’eft pas moins fophiftique. „ Or
„ cette capacité, dit-il, n’eft que la fenfibi-
„ lité phyOque: c’eft précifément encore la
queftion. Tels font les antécédent faux, d’où
H e l v é t i u s conclut en grand appareil, que
tout fe réduit à fentir.
Ses raifonnemens tournent toujours autour
de ce même Sophisme ; & dans un endroit où
il le répété fous une autre forme, R o u s s e a u
avoit mis en marge ce peu de mots, qui,
s’ il les eût développés lui-même, auraient été,
à l’égard des prétendues démonftrations d’ilELv
é t i u s , ce qu’eft le Soleil pour les ombres
de la nuit. „ Appercevoir les objets," Ait R o u s s
e a u , „ ’c’eft fentir : appercevoir les rap-
„ ports, c’eft juger.” R o u s s e a u vouloi t fans
doute ; en développant cette Propofition, montrer
l’équivoque du mot appercevoir', qui, dans
le prémier membre, exprime une perception, .&
dans le fécond, une découverte. 11 vouloit en
un mot expliquer, comment, dans l’un des cas,
l’Ame étoit pafftve, tandis que dans l’autre
elle étoit aâive. Je voudrais qu’il l’eût fait
lui-même, car je fens bien ce qui me manque
en tâchant d’y fuppléer.
Mr. D u t e n s, poifelfeur de cet intéreifant
Exemplaire'du Livre de VEsprit, ayant communiqué
à Mr. H e l v é t i u s cette remarque
de R o u s s e a u , il lui répondit: ,, Vous avez
„ le tadt fin; c’eft dans cette note que fe trou-'-;
„ vept les plus fortes objections contre mes
„ principes. ic Puis il annonce un Ouvrage,
qui ne fera publié qu’ après fa mort parce
qu’il craint, dit-il, la perféçution, mais qu’il
ferait ravi de communiquer à Mr. D u y e n s
s’il alloit à Paris ; „ ne pouvant pas (ajoute-t-
,, il) en donner un extrait dans une Lettre ;
,, parce que c’eft fur une infinité d’obferva-
« tiops fines que j’ établis mes principes.”